Comment lutter contre le chômage

La rentrée sociale de cette année est marquée par la réapparition du dossier des salaires. Nous avons déjà eu l’occasion de rappeler les termes du débat sur les salaires en insistant particulièrement sur les relations salaire/productivité/pouvoir d’achat. Ce débat est important, et la question sociale en Algérie est certainement marquée pour longtemps encore par la problématique des salaires.

Mais elle reste marquée aussi et probablement plus fortement encore par le problème de l’emploi et du chômage. Il est vrai que nous connaissons de plus en plus en Algérie le statut de salariés pauvres mais nous avons surtout des chômeurs sans aucune ressource. Et les statistiques officielles publiées sur ces questions ne doivent pas faire illusion. Dans les faits, le chômage est bien là et nombreux sont les analystes qui ne reconnaissent aucune avancée dans ce domaine. Ce constat, pour sévère qu’il soit, semble être corroboré par l’indigence de l’approche retenue par les pouvoirs publics pour traiter ce fléau.

La réflexion théorique dans ce domaine est pourtant riche de pistes susceptibles de déboucher sur des solutions en cohérence avec les choix faits sur les autres volets de la politique économique. Que nous apprend la théorie économique ? La mondialisation libérale de l’économie impose la compétitivité et celle-ci exige la réduction maximum des coûts que supportent l’entreprise. Parmi ceux-ci, bien sûr, le coût de la main-d’œuvre. Mais les Etats qui font face aux revendications sociales de chômeurs de plus en plus nombreux doivent aussi exiger de leurs entreprises de créer de plus en plus d’emplois. Comment faire ? Deux grands courants de pensée ont marqué l’analyse du traitement économique du chômage.

Les théories macroéconomiques

Pour ces théories, l’insuffisance d’offre d’emploi résulte de l’insuffisance des capacités de production et de l’investissement. La lutte contre le chômage passe, donc, par une politique de l’offre. Cette relance de l’offre suppose un partage de la valeur ajoutée créée en faveur des profits (revenus des entrepreneurs) seule manière d’inciter les entrepreneurs à investir davantage et à créer de l’emploi.

Il faut alors alléger les cotisations et réduire les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises pour les inciter ainsi à recruter. De même la flexibilité du marché du travail (facilités d’entrée mais aussi et surtout de sortie du marché du travail) diminuera la peur des entreprises face au recrutement de nouveaux travailleurs.

Les tenants de cette approche assurent que cette politique a certainement un coût social à court terme mais elle est “payante” sur le moyen/long terme. Dans le même courant de pensée (théorie macroéconomique) les keynésiens nous expliquent que l’insuffisance de l’offre d’emploi résulte d’abord de l’insuffisance des débouchés anticipés par les entrepreneurs, c’est-à-dire en fait l’insuffisance de la demande solvable : pourquoi les entrepreneurs seraient-ils incités à investir (et donc aussi à recruter) lorsqu’ils ne sont pas sûrs de pouvoir vendre leurs productions, le nombre important de chômeurs alimentant la sous-consommation.

La lutte contre le chômage passe alors par une relance de la demande : il faut relancer la consommation par une politique de crédit à la consommation, des politiques de revalorisation des salaires… Le marché se réanimant, les entrepreneurs vont investir et recruter. Relance de l’offre ou plutôt relance de la demande ? Vieux débat ! Aucune des deux politiques n’est arrivée à bout du chômage et même la combinaison des deux n’a pas donné de résultats probants.

Par ces politiques conjoncturelles, la croissance économique reprend, le chômage baisse mais la dynamique ne s’inscrit pas dans la durée car d’autres facteurs de croissance interviennent aussi dans cette dynamique, on peut citer : la productivité globale des facteurs (capital et travail), la conquête de marchés extérieurs, le marketing … Le second courant de pensée qui traite de l’emploi et du chômage est celui des théories microéconomiques : le travail est un facteur de production et une marchandise comme toutes les autres échangées sur un marché. Si le fonctionnement libre et concurrentiel du marché du travail est respecté, on arrive naturellement à un équilibre entre l’offre et la demande d’emploi.

La variable d’ajustement étant le salaire. Si le chômage persiste, c’est à cause d’imperfections et de tensions qui perturbent le fonctionnement normal du marché. Pour cette théorie (libérale) la politique économique est inefficace pour lutter contre le chômage. Il faut libéraliser le marché du travail et adopter la déréglementation sociale. Cette théorie libérale a donné lieu à l’émergence de nouvelles formes d’emploi, des emplois atypiques : contrats à durée déterminée, intérim, travail à temps partiel…

Le marché du travail devient dualiste avec d’un côté des emplois permanents très qualifiés et bien rémunérés et de l’autre des emplois précaires à durée déterminée et mal rémunérés. Et les seconds croissent plus vite que les premiers. Cette déréglementation du marché du travail qui vise à faciliter l’embauche en libérant l’entreprise des lourdeurs du licenciement (flexibilité) est aujourd’hui la politique dominante dans l’ensemble des pays de l’OCDE.

Deux modèles dominent : le modèle libéral avec flexibilité, CDD, baisse des charges pour l’entreprise (modèle anglais, modèle français en voie de mise en œuvre avec la généralisation du contrat nouvelle embauche où le recruté est en longue période d’essai…) ; le modèle social-démocrate appliqué dans les pays nordistes (Danemark, Suède, Finlande…) où l’ouverture du marché du travail et sa flexibilité est soutenue par un accompagnement individualisé du chômeur : formation, indemnisation importante, obligation pour le chômeur de rechercher une réinsertion.

Il y a donc en même temps que l’ouverture du marché du travail et sa flexibilité, des dispositifs publics de soutien du demandeur d’emploi. Les résultats obtenus dans la lutte contre le chômage dans ces pays sont éloquents : entre 5 et 6% de taux de chômage. Mais les travailleurs sont de plus en plus pauvres et la mobilité du travail est très importante. Qu’en est-il de ces questions en Algérie ?

Nous en sommes encore au traitement social du chômage financé par d’importantes dépenses publiques, création d’emplois précaires non adossés à une politique d’investissements productifs, des emplois soutenus qui s’éteindront dès que s’éteindra l’embellie financière actuelle.

Abdelmadjid Bouzidi

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