Ni électeurs ni élus
Loin de Lakhdaria, de Yakourène, de Dellys, les partis s’affairent nuitamment à “confectionner” les listes de candidatures pour les élections locales. Le Ramadhan est propice aux activités nocturnes.
Loin des soucis de pomme de terre et de prix de livres scolaires insuffisamment disponibles, ils vont à la pêche au candidat à l’assemblée communale et de wilaya. Il n’y a pas que les “petits” partis qui endurent cette pénurie d’ambition ; les “grands” s’en plaignent aussi, jusqu’au FLN qui invente l’anti-120.
Au temps béni de sa toute-puissance policière, il fallait la carte du parti unique pour être élu dans une usine, une école ou dans un club de sport. Aujourd’hui, on peut être élu FLN en dédaignant la carte de l’ex-parti unique.
Les temps changent, et il y a de l’irréversible dans certaines chutes. On peut toujours continuer à perfuser l’appareil tant qu’il y a du sous-sol à vendre et tant qu’on peut allouer ses recettes au gré des carrières et au besoin de nos tuteurs autoproclamés.
“Les citoyens voteront pour les locales, parce qu’elles concernent leur vie quotidienne”, rassurait un responsable pour conjurer le spectre de l’abstention, curieusement et officiellement admise, du 17 mai dernier.
Elles devraient les concerner. Mais que peut faire une municipalité qui ne peut ni loger ni employer et qui ne s’occupe de la voirie que la veille de visites officielles ?
L’administration monopolise la décision sur le foncier et la commune collecte les requêtes des citoyens et subit les émeutes des plus impatients.
Dans certaines communes trop briguées, des territoires entiers, la baie d’Alger comprise, attendent qu’un émir qatari ou koweïtien veuille bien se servir pour son projet de tours commerciales ou de complexe touristique.
L’assèchement des assiettes fiscales et foncières, au niveau local, a démotivé les deux types d’ambitions politiques à ce niveau : celles qui ont des intentions constructives comme celles qui ont des visées mafieuses.
Le drainage progressif de la décision vers le sommet a desséché le dispositif institutionnel à sa base et dans ses niveaux intermédiaires. À quoi bon jouer au président d’APC si l’on ne peut même pas autoriser un bus à circuler dans sa circonscription, si, en fait, l’on n’a que l’argument de l’absence de prérogatives à opposer à ses administrés ?
En temps de démocratie, les partis n’ont pas besoin d’aller à la chasse aux candidats. Leurs adhérents existent et assument le devoir militant de se postuler, au nom de leurs partis, aux responsabilités.
Aujourd’hui que la politique est marchandise, on va à la recherche de la clientèle. Pour l’Assemblée nationale, les places, rémunératrices en privilèges et peu exigeantes en efforts sont chères, et la concurrence est rude. Mais pour les APC et APW, les contraintes de la mission et l’intérêt des retombées ne sont pas de la même échelle. On va plus volontiers à la soupe qu’à la tâche.
À force d’autoritarisme et de clientélisme, le régime et sa classe politique découvrent, avec nous, que les Algériens, en plus de n’avoir plus envie d’élire n’ont plus envie d’être élus.
Ils n’y voient, bien sûr, aucun rapport avec leur intacte légitimité.
Mustapha Hammouche