Le savant, le jeûneur et le combattant

Les mots, on le sait, ne remplissent pas le ventre ; pas plus que ceux d’entre eux chargés de bonté et de sagesse ne conduisent, en piqûre hypodermique, à réduire le mal.

Par contre, chargés de négation de la vie, de son respect transcendental ultime, ils peuvent aussi (faire) tuer : la tragédie algérienne en est encombrée d’exemples. Ils n’ont jamais à eux tout seuls non plus suffit à déclencher des actes civiques, altruistes ou plus fondamentalement humanistes. Les mots et signes de communication en général ont été malgré tout le vecteur essentiel du développement de l’humanité, et des nations arborescentes. C’est pour cela au moins qu’il ne nous faut pas bouder la floraison qui en est faite ces temps-ci, comme de coutume programmée avec des ouvertures de tons et manières d’entendre la spiritualité en la seule période du ramadhan. Avec un frémissement de différence celui-ci de 2007, à partir de représentants de la puissance publique, à redoubler de rigueur de sens contre les porteurs d’interprétations intégristes de l’islam ; eux-mêmes ayant redoublé de férocité. L’une de ces voix de l’Etat algérien, en conférence débat cette semaine, est symptomatique par ses mots du nécessaire sursaut à opérer pour que la raison des armes des « fous de Dieu », prétendus « combattants », ne soit pas la seule issue pour sortir l’Algérie de sa tourmente. Ce frémissement, peut-on dire, est qu’enfin les plus hauts commis de l’Etat ne continuent pas de se défausser de leurs responsabilités par de simples pirouettes rhétoriques creuses, mises de rituel sur le marché de l’islamisme de bazar, appelé encore à faire couver des brigades de nazillons prêts à en découdre avec les casernes aujourd’hui, et demain quoi et qui ? Face aux questions des rapports entre sciences et religions (et à quand de conscience et religions ?), le directeur de l’orientation au ministère des Affaires religieuses n’a pas mâché ses mots, nous rapportent certains de nos bons journaux : « L’encre des savants est plus précieuse que le sang des martyrs. » Et de citer Ibn Abbas, exégète de l’Islam et cousin du prophète : « Le savant est meilleur que le jeûneur ou le combattant sur la voie de Dieu. » On ne refait pas l’histoire, pas plus que l’Université algérienne exsangue de ses élites déclarées de sang impie ne peut régénérer dès cette rentrée de boutures de savants, mais il n’est jamais trop tard de chercher à entendre la polysémie des réalités à travers leurs mots.

Belkacem Mostefaoui

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.

intelligence artiste judiciaire personne algériens pays nationale intelligence algérie artistes benchicou renseignement algérie carrefour harga chroniques économique chronique judiciaire économie intelligence chronique alimentaire production art liberté justes histoire citernes sommeil crise alimentaire carrefour économie culture monde temps
 
Fermer
E-mail It