GROGNE SOCIALE ET POUVOIR D’ACHAT

Beaucoup de lecteurs, si j’en crois le courrier reçu cette semaine, semblent préoccupés, à juste titre, par la “flambée des prix” actuelle des produits de première nécessité et la question qui les taraude est celle de savoir comment on en est arrivé là et quoi faire pour s’en sortir. Bien évidemment, je n’ai aucune recette à proposer, en serai-je seulement capable ? Mais je veux volontiers participer au débat et essayer de partager avec “l’homme de bonne volonté” ce que j’ai cru comprendre de la situation sociale actuelle, bien lourde à porter, par beaucoup d’Algériens notamment ceux dont les revenus, lorsqu’ils en ont, ne sont pas suffisants à la vie quotidienne de leurs familles.
On peut déjà observer que les produits sensibles qui ont le plus renchéri ces derniers jours doivent être considérés d’abord et principalement comme des révélateurs d’une situation sociale globale largement détériorée dont souffrent des Algériens de plus en plus nombreux. Mais comme les regards semblent aujourd’hui tournés vers ces produits, parlons- en. Quels sont ces produits ? Il s’agit surtout de la semoule, du lait, de l’huile et de la pomme de terre. On voit bien qu’il s’agit là du panier de la ménagère et notamment celui de la ménagère à bas revenus. On peut aussi constater qu’il s’agit de produits importés. Première remarque : le blé et le lait ont vu leurs prix fortement augmenter sur le marché mondial ce dernier mois. D’autre part, nos besoins en huile et en semence de pomme de terre sont aussi satisfaits par le recours aux importations. Ces problèmes d’offre mondiale de ces produits (insuffisante actuellement) et la forte appréciation de l’euro ont entraîné une forte hausse des prix mondiaux de ces produits. Il y a donc là une inflation importée incontestable. Cette hausse des prix subie par le consommateur algérien nous rappelle une nouvelle fois notre forte dépendance alimentaire et renseigne sur la crise de notre agriculture au double plan de la productivité agricole (très faible) et de l’occupation des sols qui y règne actuellement : les spéculations les plus encouragées sont celles qui n’ont pas de lien direct avec la subsistance quotidienne des Algériens. Le PNDRA a proposé une occupation des sols où sont encouragées les spéculations les plus rentables : fruits, primeurs, maraîchages hors saison… au détriment des aliments de base : céréales et pomme de terre. Nous n’avons pas de stratégie agroalimentaire et notre politique agricole actuelle est marquée d’un libéralisme débridé dont on n’a pas fini de payer le prix. Cette crise du pouvoir d’achat met le gouvernement dans un étau : le consommateur veut les prix les plus bas possibles. L’entreprise veut vendre au moins aux prix coûtants et assurer une marge bénéficiaire même faible.
1/- Si l’on veut que la crise de l’offre qui frappe l’économie algérienne depuis bien longtemps soit correctement prise en charge, on doit impérativement sauvegarder et plus encore soutenir et aider l’entreprise. On ne peut pas obliger celle-ci à pratiquer des prix qui ne couvrent même pas ses marges (on sait où peut mener une telle politique). On doit de plus alléger les différentes charges obligatoires qui pèsent sur l’entreprise. Tout cela va, bien évidemment, coûter au budget de l’Etat.
2/- Si l’on veut que le marché intérieur ne s’effondre pas, que la demande soit toujours là et que l’Algérien ne se paupérise pas davantage, l’Etat doit mettre la main à la poche et subventionner les produits de large consommation. Mais alors, attention à la surconsommation et au gaspillage. De plus, attention au déficit public. A l’évidence, l’Etat ne peut pas à la fois aider et l’entreprise et le consommateur. Celà coûterait trop cher mais surtout cela serait anti-économique. On a déjà connu cette situation dans les années 1970 : inflation réprimée, pénuries, files d’attente … d’un côté, et faible productivité, faible performance des entreprises qui produisent sans contrainte d’efficacité et en bout de chaîne, déficit public abyssal et donc lourde dette laissée aux générations futures.
Que faire ?

Autre chose est de tenter de réguler le marché par le recours aux importations avec soutien financier de l’Etat pour compenser l’insuffisance de l’offre nationale et autre chose est d’aller aux vrais problèmes, ceux de la vulnérabilité de notre économie. Il faut d’ailleurs préciser ici qu’il serait plus judicieux que l’Etat subventionne non pas le produit mais le consommateur. Les bas revenus et les sansrevenus peuvent aspirer à une subvention qui leur serait directement versée, les prix des produits restant par ailleurs déterminés par le marché. Cette remarque étant faite, il faut surtout insister sur le fait que la crise de l’économie algérienne est structurelle, systématique et nécessite donc non pas des politiques conjoncturelles (même si celles-ci restent nécessaires dans beaucoup de cas) mais bien des politiques structurelles. On ne le répétera jamais assez !
Faut-il réévaluer le dinar ?

Nous savons qu’actuellement la Banque d’Algérie pratique un taux de change flottant contrôlé : la valeur du dinar est fixée par le marché des devises et notamment l’euro et le dollar. Mais la Banque d’Algérie se réserve la possibilité d’intervenir quand la valeur de celles-ci s’apprécie trop fortement, dépréciant d’autant la valeur du dinar. Décider de revaloriser le dinar, c’est aller à un taux de change fixe où la Banque d’Algérie détermine la valeur de la monnaie nationale de manière volontariste au-dessus de sa valeur actuelle. Quatre problèmes surgissent alors :
1- Est-ce que cette nouvelle valeur du dinar correspond réellement à la force de notre économie, à la performance de nos entreprises, à la productivité de nos facteurs de production capital et travail ou bien le dinar sera-t-il surévalué par rapport à la performance de notre économie et ne reflétera pas l’état réel de celle-ci ?
2- Revaloriser le dinar fera certes baisser le coût en dinars de nos importations, mais il faudrait alors accepter une concurrence plus forte de celle-ci avec la production nationale déjà bien mal en point.
3- Revaloriser le dinar pénalise nos exportations hors hydrocarbures qui coûteront plus chères, exprimées en devises, exportations déjà bien faibles.
4- Enfin un dinar plus fort nécessite une mobilisation de volume de réserves de change beaucoup plus importante pour assurer la couverture de la monnaie nationale.
Faut-il augmenter les salaires ?

Sans hésitation oui, au moins pour rattraper les détériorations du pouvoir d’achat qui ont jalonné le programme d’ajustement structurel qui a accompagné le rééchelonnement de notre dette (modération salariale et libération des prix).
Est-ce suffisant ?
Non. Il faut surtout une véritable politique de l’offre qui met l’entreprise au centre de la politique économique. Quatre grandes mesures sont à prendre dans l’immédiat :
1/ Débrider le crédit, c’est-à-dire revoir les conditions de son octroi ainsi que les taux d’intérêts.
2/ Alléger les charges obligatoires qui pèsent sur l’entreprise.
3/ Accélérer et renforcer le programme de mise à niveau des entreprises.
4/ Lancer une politique des ressources humaines axée sur la formation - qualification. L’exécution de ce programme doit se faire à un horizon temporel de moyen terme préalablement fixé et impératif.

Abdelmadjid Bouzidi

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