La stratégie du terrain

En visite de travail à Oran, le président Bouteflika a fustigé avec véhémence le fait que l’Etat rende plus riches les riches et plus pauvres les pauvres. « C’est une injustice ! », s’est exclamé le chef de l’Etat qui dénonçait la spéculation sur des terrains acquis par les promoteurs immobiliers à 20% de leur valeur réelle, grâce au jeu des aides publiques destinées à rendre le logement moins cher. Et il est vrai que les prix à la vente sont prohibitifs et dissuadent nombre de jeunes algériens de tracer un plan de vie articulé autour de l’accès à un habitat décent. Le logement est une condition incontournable pour fonder une famille et sa disponibilité a une incidence réelle en termes de stabilité et de régulation de la démographie. L’offre n’est pas encore, de ce point de vue, à la hauteur de la demande. De surcroît, il y a un éclatement du cadre familial ancien, celui de la collectivité au profit de trajectoires sociales plus fortement individualisées. Chaque jeune algérien qui dispose de revenus constants aspire légitimement à avoir son propre logement. La rareté de ce produit sur le marché de l’immobilier a généré des surenchères sans limites et suscité des stratégies d’urgence de la part de l’Etat qui exerce normalement sa mission de protection des citoyens les plus démunis. C’est au titre de ces stratégies qu’il y a eu un réaménagement très consistant des prix des terrains destinés aux grands ensembles d’habitation. Cela n’a pas évité la spéculation de la part d’opérateurs qui gagnaient déjà très largement au change, ni les erreurs qui ont consisté à continuer de construire selon des formules aussi anachroniques que le F1 ou le F2, types d’habitation que la vox populi a vite fait de nommer les cages à poules. Aucun citoyen n’aspire à forger tout son avenir sur l’occupation d’une ou de deux pièces inférieures à 40 mètres carrés. Il faut en retenir que la promotion immobilière est une activité très rentable – au regard de l’ampleur colossale des besoins des millions de logements à construire – et des surcoûts induits qui sont répercutés en bout de chaîne sur l’acquéreur. Ce n’est pas, ici, des rapports déterminés par le jeu du marché qui produit sa propre grille des valeurs de l’immobilier. Le dérèglement est tel que des logements sociaux sont estimés comme s’ils étaient des logements résidentiels alors qu’à l’origine c’est l’Etat qui les a intégralement financés et assortis à des critères d’incessibilité. Ce sont toutes les transgressions superposées qui, au fil du temps, ont amené à ce que le logement soit inaccessible pour un nombre grandissant de citoyens. Les plus heureux le paient au plus fort et même plutôt deux fois qu’une puisque l’Etat est partie prenante de chaque logement construit par des opérateurs publics ou privés. Le paradoxe est que cette action de l’Etat ne profite pas à ceux à laquelle elle était destinée mais à ceux qui n’en ont pas réellement besoin. Pour un résultat qui, en paramètres d’esthétique et de confort, n’est jamais à la hauteur des investissements et des facilités consentis par l’Etat : preuve en sont les cités dortoirs qui ceinturent les périphéries de nos grandes villes.

Amine Lotfi

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.

intelligence artiste judiciaire personne algériens pays nationale intelligence algérie artistes benchicou renseignement algérie carrefour harga chroniques économique chronique judiciaire économie intelligence chronique alimentaire production art liberté justes histoire citernes sommeil crise alimentaire carrefour économie culture monde temps
 
Fermer
E-mail It