Irak : réalité complexe et discours simpliste
Partout dans le monde, on manifeste contre l’occupation de l’Irak. Aux États-Unis surtout, avec un air de nostalgie pour les grands défilés des années 60 et 70 contre la guerre au Viêt-Nam ; une nostalgie renforcée par l’engagement intact d’Angela Davis.
Quatre ans après l’invasion de l’Irak, on observe plus de ferveur à condamner la présence américaine en Irak qu’il n’y en a eu pour l’empêcher d’y intervenir.
La guerre du Viêt-Nam a constitué la confrontation la plus frontale de la guerre froide, même si les États-Unis s’y étaient engagés avec plus de franchise que l’URSS.
En Irak, les États-Unis n’auraient plus besoin de se battre pour y rester, s’il n’y avait des forces suffisamment organisées pour lui imposer la bataille. Le gouvernement irakien ne revendique pas le départ immédiat des troupes de la coalition. Et aucune des parties en présence en Irak, dont celles contrôlées ou soutenues par l’Iran et la Syrie, ne fait quelque chose pour enlever à l’armée américaine le motif ultime de s’attarder en territoire irakien. Les conduites obscènes qui ont entouré l’exécution de Saddam Hussein ont montré que les institutions irakiennes sont incapables d’assurer la cohésion nécessaire à la stabilité du pays. Les explosions qui frappent les marchés et les lieux de culte expriment une irrépressible aversion réciproque entre les communautés en présence et une volonté d’en découdre, que l’État irakien n’est pas encore en mesure de réprimer.
Le dernier plan américain visant à renforcer la présence militaire à Baghdad vient compenser le déficit d’ordre dû à un parti pris sectaire de policiers irakiens.
Dans cette guerre où se mêlent règlements de comptes tribaux, rancœurs confessionnelles et plans de déstabilisation étrangers, l’homme de la rue, en Irak, est conscient que son futur immédiat est compromis. Il n’a pas d’espérances ni en termes de reconstruction et de qualité de vie ni en termes de réformes politiques. Il l’a fait savoir dans un sondage récemment réalisé pour des télévisions américaines et anglaises : entre novembre 2005 et mars 2007, le nombre d’Irakiens qui soutiennent la démocratie a diminué de 14% et le nombre de ceux qui souhaitent une dictature ou une théocratie a augmenté de 8%. La violence a poussé de plus en plus d’Irakiens à renoncer à la perspective d’un État démocratique et à exprimer le seul besoin de sécurité : le même sondage révèle que 86% des Irakiens ont peur pour la sécurité de leur famille et veulent un État autoritaire.
La terreur a vaincu, aidée en cela par le discours qui donne d’une guerre multiple, où se mêlent guerre civile confessionnelle, guerre de clans, terrorisme transnational et guerre d’influence, une image simplifiée et fausse de guerre de résistance. L’opinion aime les simplifications. Le populisme, de plus en plus partagé, lui évite d’affronter la complexité des situations et fait l’impasse sur ces forces qui clouent une coalition qui devait, en effet, repartir bien plus tôt.
Alors, “US go home”. C’est tellement plus simple ! Et ça fait “avec les faibles et contre les forts”. Comme au bien vieux de temps de la guerre du Viêt-Nam, du non-alignement, de l’anti-impérialisme, des révolutionnaires de terrasse, de la bonne musique et des “hippies”.
Mustapha Hammouche