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En resserrant les rangs, ne gardant que des ténors, Bouteflika vient de faire la démonstration qu’il est le seul maître à bord. Le tout est de savoir à qui s’adresse ce remodelage.
À chaque homme, sa seconde nature. Celle du président Bouteflika n’a eu qu’une simple confirmation tant le personnage est organiquement imprévisible. En gardant certains ministres, sans le gouvernement, il plonge l’Algérie de l’après-législatives dans un scepticisme légitime.
La décision du président Bouteflika de nommer des ministres seulement chargés des “affaires courantes” a un acte politique singulier. Pour être en phase avec les exigences de la Constitution, le gouvernement Belkhadem a démissionné mais ne garde que la forme. Car, dans le vocabulaire politique, la notion d’affaires courantes, qui ne figure dans aucune disposition du droit écrit universel, peut signifier aussi bien “une gestion quotidienne” qu’une “continuité de service public”. En d’autres termes, que les ministres fassent au mieux, prennent des décisions qui ne doivent souffrir de retard, mais ne composent, in fine, aucun Exécutif.
Comme Talleyrand, Bouteflika semble apprécier ce qui est complexe et déroute l’adversité. Le cabinet restreint dont il s’est doté, sans échéances claires et définies, met entre parenthèses la pertinence même d’un gouvernement. En resserrant les rangs, ne gardant que des ténors, Bouteflika vient de faire la démonstration qu’il est le seul maître à bord. Le tout est de savoir à qui s’adresse ce remodelage.
Rien ne présageait d’une tournure aussi alambiquée. Aucune option n’a survécu aux yeux du président de la République. Refaire un gouvernement Belkhadem II. Nommer un gouvernement de technocrates. Élargir l’Exécutif à une coalition majorité/opposition. Rien de tout cela n’a été retenu pour l’instant et très peu d’initiés savent, au juste, pourquoi le Président réduit le gouvernement à sa plus simple expression.
Une tentative d’explication rationnelle, où qui a, du moins, cette prétention, peut induire que le Président a décidé de se débrouiller seul. À savoir un gouvernement resserré, limite commando, qui viendra se faire tancer en Conseil des ministres comme le veut la coutume est une introduction à ce qui peut être un super cabinet présidentiel. Et à 15 ministres seulement, il y aura des chaises pour tout le monde.
Le plus simple est que le président Bouteflika n’a qu’une obsession : réaliser son programme présidentiel. Quelle que soit l’équipe, le nombre ou la dénomination, ce “gouvernement” se doit d’être le relais de ses instructions. Et seulement des siennes. Et gare aux dilettantes. Car le Président est le mieux placé pour savoir que les rumeurs sur sa fragilité physique ou politique ont affecté son aura. Cette décision semble intervenir pour reprendre un contrôle total de la situation. L’essence même du pouvoir. On est de plain-pied dans le pouvoir présidentiel.
Mounir Boudjema