Les points noirs et le miroir

Hadj Lakhdar a eu le grand mérite d’avoir mis le doigt sur ce que les Algériens voulaient voir et entendre. Ils voulaient voir à quoi ils ressemblaient réellement. Ils ont été servis.

Hadj Lakhdar est parti en s’excusant. Il s’était invité dans nos chaumières durant toute la première moitié de ce mois de Ramadhan. Que retiendra-t-on de ses apparitions chaque soir juste après le ftour? Son humour? Sa morale? Sa bonhomie? Son bon sens? Son intégration de campagnard devenu chantre de la vie citadine? Cette sagesse de l’analphabète qui, sur le tard, voue un culte au savoir? Toute une panoplie de facettes que le personnage s’est évertué à incarner sans se donner le temps de convaincre.

Passer en revue, à lui seul, autant de points noirs de la société en 16 épisodes était un défi pour le moins difficile à relever. Il a eu cependant le mérite d’avoir essayé tout en ayant réussi, ce qui est loin d’être mince, à capter l’attention de millions de téléspectateurs qui l’attendaient chaque soir. On ne saura sans doute jamais combien auront apprécié sa prestation ni ceux qui l’auront sévèrement critiqué. Une chose est cependant sûre: Hadj Lakhdar n’aura laissé personne indifférent. Il fut le miroir dans lequel nous ne manquions pas de nous regarder chaque soir.

C’est là que réside le secret de son audimat. C’est aussi pour cela qu’on regrette qu’il nous prive aussi vite de ce moment d’introspection. Des informations font état que le directeur général de l’Entv, Hamraoui Habib Chawki, serait d’accord pour programmer la suite après le mois de Ramadhan. Ce serait en effet une bonne chose.

Ce serait aussi une bonne opportunité pour Hadj Lakhdar et son équipe, partant des enseignements tirés de cette série, de mieux travailler la trame de ses sketches et de parfaire le rôle des acteurs. S’agissant d’une véritable auscultation de la société algérienne, des pans importants ont manqué lors de la première série.

On ne sait trop pourquoi le rôle de la mère a été occulté. Le patriarche Hadj Lakhdar a-t-il eu peur d’avoir de l’ombre? Résultat, la série a été plutôt rêche, manquant de douceur et d’affection maternelle, indispensables à l’équilibre des êtres humains. Y compris l’amour des animaux dont on a eu des images furtives avec le caniche de la «journaliste». Idem pour la place des grands-parents en ce qu’ils peuvent témoigner de notre histoire et de la mutation de la famille actuelle dans sa relation avec le troisième âge.

L’enfance n’a pas eu sa place non plus alors que par les temps qui courent, leur éducation subit des dégâts importants. Pourquoi ne pas y ajouter le rôle de l’émigré quand on sait que chaque famille a au moins un de ses membres dans cette condition? D’autant qu’un des acteurs l’est, en réalité. Ceci pour les «niches» laissées vides. Il y en a certainement d’autres. Et plus il y en aura, plus le nombre des épisodes sera grand, faisant ainsi durer le miroir et le temps de nous débarrasser de tous nos points noirs.

Sur le fond, on a assisté à un essoufflement de l’humour au fil des épisodes. Entre l’épisode ayant pour trame la bureaucratie et celui de la corruption, la décrue de l’inspiration est nette. Il est vrai que certains sujets par leur gravité prêtent difficilement à rire mais tout l’art est là. Il est difficile. C’est la critique qui est aisée, y compris la nôtre.

En clair si Hadj Lakhdar doit revenir dans nos foyers et y être pour une longue durée l’invité bienvenu qu’on ne laisse jamais seul, il lui faudra premièrement du travail, deuxièmement beaucoup de travail et que du travail. Si jusque-là, l’impact a été honnêtement moyen, Hadj Lakhdar a cependant le grand mérite d’avoir mis le doigt sur ce que les Algériens voulaient voir et entendre.

Ils voulaient voir à quoi ils ressemblaient réellement. Ils ont été servis. Mais ce n’est pas pour autant le moment de débarrasser la table. On attend la suite!

Zouhir MEBARKI

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