Lettre à Si Tahar

Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en lisant, il y a quelques jours, l’interview de mon ancien collègue, Tahar Ben Aïcha, journaliste retraité de l’Unique. Il faut dire qu’une certaine complicité nous liait lui et moi, car nous étions opposés au conformisme absurde qui s’était installé au Boulevard des Martyrs dès 1970.

On ne peut nier l’originalité du caractère de Si Tahar qui n’avait pas sa langue dans la poche, ni l’enthousiasme avec lequel il défendait ses points de vue avec toujours une certaine verve. Il était intarissable et surtout imprévisible dans ses «sorties».

Il avait à son actif plusieurs documentaires sociaux réalisés avec A. Tolbi où il dénonçait la misère des Algériens après l’Indépendance comme il avait réalisé une série de documentaires sur le patrimoine culturel en péril, sans compter l’inoubliable l’Islam en Afrique.

Cependant, Si Tahar a un défaut incurable, il veut toujours tout ramener à la culture arabe: la civilisation arabo-islamique est pour lui l’alpha et l’oméga de la culture universelle. Si Tahar, avec son immense culture et son érudition dans certains domaines, a dû oublier que «les civilisations sont comme les êtres humains: elles sont mortelles», dixit Malraux.

Si cette civilisation a brillé un certain moment grâce à la conjoncture de facteurs historiques et grâce à l’existence d’hommes de science non arabes qui ont été conquis par le message du Prophète (Qsssl), il est fort probable qu’avant elle et après elle, d’autres civilisations ont marqué l’histoire de l’humanité.

Ce qui manque à la culture de certains intellectuels arabisants qui ont épousé les thèses baathistes et qui ont été propulsés dans les médias dès les années 70 par un pouvoir qui voulait arrimer un pan de l’Afrique méditerranéenne à un autre ensemble riverain de la mer Rouge, c’est certainement la méconnaissance, je ne dirais pas des lois, mais des péripéties de la linguistique: aucune langue n’est tombée du ciel.

Toutes naissent de la bouche des hommes, s’influencent mutuellement et se transforment, donnant naissance à d’autres idiomes comme une branche des rameaux, une langue qui n’évolue pas meurt de désuétude. Donc, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire quand il a voulu rattacher l’origine du nom d’Azzefoun (port Gueydon) au mot arabe (aâzifoun).

Ridicule! Peut-être qu’à l’époque de la débâcle andalouse, à Azzefoun, il n’y avait qu’une baraque de pêcheurs alors qu’a côté, Tigzirt, était une cité florissante bien avant l’arrivée des Romains. Ce que je veux dire ici à Si Tahar, c’est que les noms de lieux ont été donnés par des populations ou des administrations changeantes.

Quand un lieu n’avait pas de nom, le premier passant ou habitant lui donnait un nom selon son inspiration, qu’elle soit historique ou religieuse.

Seul un spécialiste du berbère peut expliquer d’où vient le mot Azzefoun, les noms d’autres lieux qui ont existé avant l’arrivée des Romains, des Arabes, des Turcs et des Français.

Ce sont ces trois derniers qui ont introduit l’arabe dans les noms des lieux. Tout cela pour dire à mon aîné, Si Tahar, qu’avant Ben Bella, Thénia était dénommée Ménerville, et qu’avant Ménerville, les Berbères l’appelaient Tizi n’Ath Aïcha. Cela lui fera certainement plaisir.

Selim M’SILI

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