Loisirs en perspective

C’est le hasard d’une escale sous l’ombre providentielle d’un arbre qui pousse au bord d’un trottoir, pas loin de l’imposant Palais de justice, nouvellement construit sur le chemin Fernane Hanafi (qui se souvient de ce valeureux chahid?) qui m’a interpellé. Comme j’attendais un hypothétique taxi sous un soleil de plomb, je me suis assis à côté d’un travailleur dont la tâche consistait, jusque-là, à badigeonner le trottoir en blanc pendant que son collègue s’occupait des bandes rouges.

Il s’était arrêté pour souffler un peu car la chaleur était intenable. Il semblait peu se soucier du chef de chantier qui arrive avec une bouteille d’eau fraîche à la main. Arrivé à notre hauteur, le chef, débonnaire, tendit la bouteille à l’homme qui en but une rasade.

«Cela ne doit pas faire longtemps que tu es chef?» «Juste six mois. Avant, je peignais moi-même les trottoirs. Maintenant, je surveille les autres. C’est pour cela que je suis compréhensif. Travailler sous un soleil pareil, c’est difficile. Mais il faut achever le tronçon jusqu’au Jardin d’Essai.»

Décidément, cela ne changera pas, pensais-je. Toujours les vieux réflexes et les mêmes mises en scène. On badigeonne un peu de peinture avant le passage du cortège officiel et c’est parti! Mais quand même, c’est une bonne chose que la réouverture de cet endroit emblématique du Vieil Alger: la perspective unique en son genre qui va du Bois des Cars jusqu’à la mer, cet alignement impeccable de palmiers et qui passe par le Musée des beaux-arts.

Hélas, maintenant, l’usine de dessalement est dans le cadre. Cela va gâcher un peu la carte postale, mais c’est une bonne nouvelle qui va éveiller chez les Algérois de vieux souvenirs: le parc zoologique où les lions mourraient d’ennui à force de bâiller, les crocodiles amorphes et déshydratés, les facétieux singes lubriques et gourmands…

Les vieux amoureux retrouveront les bancs hospitaliers le long des allées ombragées qui ont vu tant de scènes: les exploits de Tarzan, le tournage de clips par la RTA, le tournage de certaines «caméras invisibles» par l’inoubliable Hadj Rahim… Puis vint le temps des mauvaises années: les déprédations, les dégradations, la mauvaise gestion, une statuette volée puis retrouvée.

Décidément, le Jardin d’Essai aurait pu servir de cadre pour un pan de l’Histoire de la capitale depuis le temps où il abritait l’Institut ménager agricole, quand le jeune Chirac y effectuait ses premières missions pour le compte du ministère de l’Agriculture.

Car, à l’époque, il dépendait effectivement de ce département. Mais au vu de l’évolution des mentalités et des préoccupations, ce poumon d’Alger-Centre devrait être confié au ministère de l’Environnement et du Tourisme, puisque c’est ce ministère qui s’occupe d’un autre pôle des loisirs: celui des Grands Vents où les éoliennes peinent en silence face aux villas inachevées d’une tentaculaire Chéraga.

Selim M’SILI

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