Salut l’artiste!
«Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière» (Guy de Maupassant 1850-1893)
La date du 10 juin vient d’être consacrée par l’Algérie «Journée nationale de l’artiste». C’est une première mondiale, puisqu’aucun autre pays de par le monde ne dédie à l’artiste une journée précise. Est-ce à dire que nous vénérons et respectons plus que le reste du monde l’artiste au point de le célébrer chaque année dans une sorte de ferveur nationale et de liesse populaire? Et si nous interrogions les concernés eux-mêmes sur leur état, sur ce qu’ils vivent et ressentent par rapport à la société, au pouvoir…?
Le constat sur le net recul de la production artistique, tous genres confondus, depuis la fin des années soixante-dix est unanime. Des quelques 400 salles de cinéma classées dans les années soixante-dix, nous en sommes aujourd’hui à moins d’une centaine.
L’activité et les programmes des théâtres régionaux sont insignifiants; la production littéraire et l’édition sont équivalentes à celles d’une ville moyenne européenne; la production musicale de qualité se résume au raï grossier et reprises de quelques défunts maîtres du chaâbi; les rares galeries d’exposition de peinture et de sculpture sont ignorées par le grand public…
Quant aux artistes, ils sont, pour une large majorité, contraints à d’autres métiers pour vivre et font de leur passion de l’art une activité secondaire, un hobby. Au-delà de ces quelques exemples sur la situation dramatique de la production artistique de qualité, il y a l’autre raison principale à l’origine de «la misère» artistique dans le pays, celle du rapport au pouvoir. Est-il nécessaire de rappeler que sans la liberté de créer il n’y a point de culture, d’art, de vie?
Si le régime du parti unique avait, dans le passé, embrigadé les artistes, l’apparition depuis les années 90 des mouvements islamistes radicaux a, pratiquement, tué au sens propre du terme toute manifestation artistique de quelque nature qu’elle soit.
Les nombreux artistes et intellectuels assassinés par les hordes terroristes témoignent de l’aversion du mouvement islamiste pour l’art et la liberté d’imaginer. C’est pourquoi, seul le combat pour l’instauration et la consolidation d’une véritable démocratie est à même de garantir la liberté de création et la promotion sociale de l’artiste. Plus en amont de l’art et de la culture, il y a encore l’école.
Que contiennent les programmes scolaires comme matière de connaissance et de promotion des arts et cultures nationaux et universels? Quel est le volume horaire qui leur est consacré à tous les paliers de l’enseignement? De même l’intervention de l’Etat dans l’aide et le soutien à la production artistique est insignifiante. Le budget réservé à la culture représente moins de 1% du budget de l’Etat.
A l’échelon local, c’est à peine si les communes se souviennent qu’elles ont en charge l’animation culturelle. Aussi, réserver une journée par an pour l’artiste, ne doit pas nous faire oublier tout le travail et les efforts titanesques qu’il nous reste à déployer pour sortir du néant dans lequel est plongé le monde de l’art et de la culture.
Un véritable plan Marshall est nécessaire pour promouvoir les arts et les artistes. Après cela, nous pourrions dire que nous sommes libres, heureux. L’art et la culture sont des choses tellement sérieuses, vitales qu’il nous faut leur consacrer 365 jours par an.
M’hammedi BOUZINA