Au-delà du constat
Le constat est fait de longue date. Les Algériens, surtout les jeunes catégories de populations, lisent peu. L’émergence des nouvelles technologies de communication, l’emprise grandissante d’Internet, sont avancées comme facteurs essentiels du recul de la lecture. Le phénomène est plus large au demeurant dans la mesure où l’érosion du livre s’étend aussi à d’autres effectifs de lecteurs potentiels qui ne trouvent plus dans les librairies une gamme de titres susceptible de combler les attentes.
L’importation des livres, plus particulièrement encore les nouveautés, ne se fait pas de façon massive pour des raisons évidentes de budget. Il convient pourtant de ne pas s’arrêter au constat et admettre le déficit de lecture comme une fatalité insurmontable. Les jeunes générations s’en trouveraient encore plus pénalisées qu’elles ne le sont aujourd’hui car la désaffection pour le livre est nourrie aussi par la pénurie.
Cela se vérifie dans l’espace public, mais aussi dans les établissements d’enseignement, tous niveaux confondus, où la bibliothèque est un embrayeur du désir, du plaisir de lire. Les lycées, collèges et écoles primaires ne disposent pas des fonds nécessaires pour constituer ou renouveler leurs stocks de livres. Si l’on rapporte le nombre d’établissements d’enseignement au quota de livres indispensables à faire vivre ces bibliothèques scolaires, ce serait des sommes colossales qui devraient être mobilisées.
S’il fallait affecter par exemple 5000 exemplaires à la bibliothèque d’un nouveau lycée, et compte tenu du coût élevé du livre, le chiffre serait astronomique et largement au-dessus des capacités propres des établissements et des associations de parents d’élèves. Il ne faut pas être surpris que les élèves, à toutes les phases de leur scolarité, ne soient pas réellement familiers du livre dès lors qu’il n’y a pas de mesures incitatives fortes.
Il y a, certes, de généreux donateurs qui financent les achats de livres pour les établissements fréquentés par leurs enfants, et plus précisément encore lors des cérémonies de remise de prix en fin d’année. Mais c’est une action limitée eu égard à l’ampleur de la demande. C’est une prérogative de l’Etat, en fait, que de prendre en charge la diffusion du livre dans un secteur aussi stratégique que l’école.
L’embellie financière qui revient dans toutes les analyses, devrait servir aussi à réhabiliter le livre pour l’usage du grand public mais davantage encore pour les petites classes d’âges qui ont besoin de la lecture pour construire leur imaginaire. Sinon, il sera encore temps de faire des constats amers sur les valeurs en perdition d’une époque qui s’accommode des avatars plutôt que du modèle original. La lecture est dans ce sens un apprentissage de la citoyenneté.
Amine Lotfi