La magie du Bac
Depuis hier, au moins six cents mille familles algériennes vivent dans l’atmosphère angoissante et le climat anxiogène du baccalauréat, que passent autant de candidats libres ou scolarisés dans les deux systèmes, ancien ou nouveau. On a beau dire et beau faire, cet examen recèle quelque chose de mystérieux qui mêle fétichisme du succès et euphorie du passage d’un véritable cap, qui est au cursus scolaire ce que l’Everest et l’Annapurna sont aux alpinistes qui affrontent l’Himalaya.
Il y a toujours quelque chose de pathétique à voir ces élèves sortant de l’épreuve, le brouillon entre les mains encore dégoulinant des palpitations qu’ils ont injectées dans la copie, comparant leurs réponses et solutions, scrutant la moindre note d’espoir et de bons points, échangeant mutuellement joies et frayeurs sur fond d’expressions d’enthousiasme ou de peine sans aucune commune mesure avec cette vérité qui assène que le Bac, tout Bac qu’il est, n’est après tout qu’un examen, sans autre enjeu que de réussir ou… de le repasser.
Parfois, on a envie d’inciter les candidats à redescendre sur terre, à extirper de cet examen la chape d’inquiétude et de souffrances qui imprègne autant sa préparation, le tristement célèbre bachotage, que son passage proprement dit. On a envie de leur dire, devant cette débauche de stress et de craintes excessives, que même s’ils réussissent : ah ! ce qui vous attend… l’université n’étant pas ce foyer rêvé de science, de culture et d’échanges intellectuels qui n’existe que dans l’imaginaire imbibé de romantisme nostalgique de ceux qui n’ont jamais été étudiants, en tout cas pas ces dernières décennies.
On a envie d’inoculer à ces candidats et à leurs parents, soumis à la même épreuve par procuration filiale, une bonne dose de réalisme et une ration d’objectivité pour qu’ils se délestent de cette lugubre ambiance dépassant largement les contours de l’examen en soi. A ceci près qu’abordé froidement, avec la rigueur de la plus pertinente lucidité, attitudes qui en éloigneraient le cachet de trac et de peur dans lequel il fait baigner la société entière, sans cette dimension tremblotante donc, le Bac ne serait plus le Bac, tout simplement.
Si on lui administrait la médication de juste appréciation des choses et qu’on le replaçait dans un contexte d’examen classique, on ôterait au Bac toute cette magie qui a opéré, qui opère encore et qui continuera à opérer. Autant on peut définir le succès au bac comme la rampe de lancement pour la poursuite des hautes études, autant on peut citer des millions de cas de réussite dans la vie après l’échec à cet examen, voire parfois grâce à cet échec.
Dans un sens comme dans l’autre, le Bac restera un examen à part, qui charrie des lots de sentiments contradictoires comme nul autre événement et qui draine dans le sillage de l’angoisse des flots de moments de vie intense qui lui confèrent cette aura particulière. Toutes ces considérations antagoniques ne nous dispensent pas de notre devoir de souhaiter bonne réussite à tous les candidats à ce sacré Baccalauréat.
Nadjib Stambouli