Incroyable mais vrai
Les faits qui vont suivre sont authentiques et probablement une première dans la cour de Boumerdès.
Dans le couloir «instruction» du tribunal, il y a foule. Deux familles se regardent en chiens de faïence.
A.I. est âgée de…onze ans. Elle serait menacée par W.A. Huit ans! Et cela se passe à Boudouaou où cette histoire d’amour de gamins est arrivée devant le juge des mineurs qui a géré convenablement cette drôle de saynète.
Les deux enfants que nous avions «interrogés» dans le couloir du tribunal étaient décidés à avoir raison, chacun de son côté. «Il m’a menacée de mort. Il m’a fait peur. Il a dit qu’il m’aimait. Mais moi, je ne l’aime pas. C’est un voisin, c’est tout», lâche A. I., cette petite - menue - cassante victime qui n’est pas allée à l’école ce mercredi matin à cause de la convocation du juge.
«Ce n’est pas vrai. Je ne l’ai jamais menacée de mort. Je lui ai seulement dit que je l’aime et que si elle ne veut pas de moi, je l’étranglerai. Où est la menace de mort?» rétorque, de son côté, W.A., l’inculpé qui parle comme un adulte, sauf que l’adulte sait ce que veut dire «étrangler». Maître Mohammed Hanafi, flanqué de son ami, Maître Mohammed Mounir Moudjir, fait beaucoup plus de l’ironie que de drame. «Ce sont deux enfants! Deux gamins qui n’ont aucune idée sur l’amour et la mort!»
Cependant, une question nous brûle les neurones: «Quel est ce “diablotin” qui a pris la responsabilité de présenter ces deux jeunes innocents et surtout inconscients devant un juge d’instruction?»
D’ailleurs, ligoté par ce huis clos, nous allons nous excuser de ne pas vous relater ce qui a été dit à ce monsieur étrange pour les enfants, le juge d’instruction.
Par ailleurs, nous avions eu la nette impression, au vu de la rapidité de l’audition des parties, que ce sympathique juge-magistrat instructeur a dû liquider ce dossier de…gamins, ayant probablement d’autres affaires sous la main, des affaires autrement plus solides que cet article 284 du Code pénale portant sur «les menaces». Ici, il est bon de souligner sur le plan pédagogique que même les mineurs de moins de seize ans tombent sous tous les articles du Code pénal. On n’a jamais songé à instituer un chapitre «enfants», «gamins», «bambins», considérant peut-être que l’enfant demeure, en tout temps, le petit de l’homme.
Ainsi va la justice. Avec les grands et les petits, elle sait que si les justiciables se jettent dans ses bras puissants, c’est pour se voir heureux que justice se fasse. Comment s’est achevée cette audition? Nous ne saurons vous l’écrire. Une chose est certaine: le juge d’instruction a dû examiner à fond ce dossier, écouter plus qu’il ne faut les deux enfants en se retenant d’un éclat de rire, car farouchement, telle que vécue, depuis le couloir, cette histoire prête beaucoup plus à sourire qu’à se lamenter, sauf que voir deux enfants de moins de douze ans, n’incite pas au sourire.
Mais qu’est-ce que donc ces menaces d’enfants devant la nouvelle, tombée d’Argentine, mardi soir vers 23h, faisant état de l’assassinat d’une fillette de deux ans par deux enfants âgés de sept et neuf ans?
Abdellatif TOUALBIA