Téléphonie mobile : l’État ne peut-il plus couper les lignes ?

Pour la seconde fois, l’Autorité de régulation des postes et télécommunications — ARPT — prolonge le délai d’identification des puces acquises sans présentation de pièces d’identité.

Pouvait-il en être autrement ? Le recul était en fait prévisible. Il ne fait que confirmer l’influence irrépressible des opérateurs concernés.

Car, en effet, à l’origine, c’est un impératif sécuritaire qui devait imposer l’application d’une telle mesure. L’opération d’identification des puces téléphoniques en fonction répondait à la nécessité de reconnaître le propriétaire d’éventuels abonnés, dont les numéros auraient servi à l’organisation ou à l’exécution d’un acte terroriste.

Dans une pareille situation, et devant une telle urgence sécuritaire, nous serions donc devant une décision d’autorité dont la mise en œuvre ne devrait pas s’embarrasser de considérations commerciales. On ferme bien des routes et des rues comme on le constate un peu partout, on suspend bien des services publics, surtout en milieu rural, pour les soustraire à l’infraction terroriste.

L’hésitation étonne d’autant plus que l’idée d’imposer l’identification générale des numéros est de l’initiative de l’État que l’ARPT représente en la matière. Tout se passe comme si le pouvoir s’est lui-même créé l’occasion de montrer son impuissance quand il s’agit de contrarier les intérêts de certains groupes d’intérêts privés.

En théorie, il n’était point question d’étudier l’opportunité de désactiver les puces non identifiées, mais seulement d’aménager un délai aux clients pour se conformer à la nouvelle directive.

Or, les opérateurs ont continué, pendant ce temps, à mettre sur le marché des puces qu’on peut acquérir hors de leurs circuits d’abonnement propres et sans obligation pour leurs acquéreurs de s’identifier, en même temps que leurs boutiques procédaient à la régularisation administrative ultérieure des numéros acquis sur le marché parallèle.

Dans un tel mouvement, le stock de puces anonymes peut aussi bien diminuer que croître. Il était donc prétentieux de vouloir reconnaître les propriétaires de toutes les puces en circulation, tout en tolérant que se poursuive la vente libre anonyme de ces puces !

On aurait voulu offrir une assistance promotionnelle pour les opérateurs GSM qu’on n’aurait pas agi autrement.

Le chiffre de trois millions deux cent mille puces “sauvages”, évoqué par l’ARPT comme la raison tacite d’avoir sursis à la décision qui s’imposait, confirme l’appréhension que ce qui était une précaution sécuritaire tourne à l’opération marketing. Finalement, le danger n’était-il pas si pressant ou bien les soucis financiers l’ont-il rendu accessoire ?

On se doutait de l’influence des groupes de téléphonie mobile qui opèrent en Algérie ; on peut notamment l’observer dans le monde médiatique pour lequel ils se présentent comme d’intouchables forteresses. Mais de là à les voir remettre en cause des mesures à vocation souveraine, on s’y attendait un peu moins.

On se doute de la puissance politique de l’argent. Mais est-ce au point que l’État, lui non plus, n’aurait-il plus les moyens, en termes d’autorité, d’appliquer des décisions que lui-même présente comme des nécessités de sécurité publique ?

Mustapha Hammouche

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