Problèmes
Mon Dieu! J’ai mauvaise conscience, moi qui, dans mon petit coin, en retraité tranquille et pépère, passe mon temps à jouer aux dominos et à vitupérer l’époque. Pis! Je passe mon temps à dégoiser, à critiquer tous ces types bien nourris qui passent leur temps à dépenser à tort et à travers l’argent du contribuable. Puis, soudain, la lumière s’est faite dans le cerveau obscur du consommateur chauvin et rouspéteur que je suis. Comment ne l’ai-je pas compris plus tôt?
Aveuglé sans doute par la perfide propagande des partis sanafirs qui, tels des cloportes, peuplent les endroits les plus retirés des espaces publics pollués, je suis resté longtemps sourd aux cris de détresse que poussent les locataires du Club des Pins, ces malheureux forçats que le sort injuste a bannis, loin des foules déchaînées, comme des relégués au bagne de Cayenne.
Cette semaine enfin, j’ai découvert les raisons de leur malheur: leurs appels désespérés m’ont vrillé les tympans en lisant la presse quotidienne, eh oui, cette presse indigne qui a passé les plus belles années de la démocratie à attirer le lecteur (et la publicité) en critiquant, d’une manière inconsidérée, un gouvernement qui a les quatre fers au four et qui se débat comme une bande de damnés à sauver son peuple des pièges de la vie. J’ai découvert que les problèmes sont nombreux, multiples et qu’une année ne suffirait pas à résoudre tous les problèmes, même si on en résolvait un par jour.
Et chaque jour que Dieu fait, un nouveau problème surgit. Et quels problèmes! Comment diable a-t-on laissé toutes ces équations avec toutes ces inconnues s’amonceler au point que des gens comme vous et moi, désespérés, en arrivent à jeter l’éponge, à prendre le premier «zodiac» qui se présente et aller ailleurs affronter d’autres problèmes, des problèmes adaptés à l’échelle humaine.
Tenez, par exemple, un jour, le pauvre gouvernement a des problèmes d’argent: il n’arrive pas à faire tourner la vieille machine administrative rouillée qui grince et qui fuit de partout. Il doit alors faire appel à un prestidigitateur qui doit trouver le pognon là où il n’est pas, c’est-à-dire chez les salariés.
Alors, licenciements et ponctions pleuvent sur les damnés de la terre, tandis que les membres du gouvernement se flagellent sur la place publique et sur toutes les ondes en clamant à cor et à cri qu’ils sont obligés de le faire. Y a-t-il trop d’argent dans les caisses? C’est un autre fakir qui est chargé de deux ou trois coups de baguette magique de le faire tomber dans l’escarcelle des sociétés étrangères qui font les routes, les ponts, distillent l’eau ou jettent de la poudre aux yeux des spectateurs à coups de manifestations culturelles.
S’il n’y avait que les problèmes d’argent! Et non! Et le terrorisme alors? Un jour, un professeur Nimbus décide qu’il faut éradiquer le virus qui est dans le fruit, même si le fruit doit sauter avec, et un autre jour, c’est un autre fakir qui propose de faire sortir le ver en lui jouant de la flûte, comme font les charmeurs de serpents. Et les deux écoles sont irréconciliables! A côté des terroristes, il y a les bandits qui pillent, qui volent, kidnappent les innocents petits enfants.
Eh oui! Il faut se hâter de sauver l’enfance, car ce seront les parents de demain. Mais a-t-on songé, hier, à sauver les enfants d’hier qui sont les parents d’aujourd’hui? That is the question!
Et je passe sur les autres petits problèmes qui font les grandes rivières: chômage, hogra, habitat précaire, violences, anarchie, pollution, développement…Pauvre gouvernement!
Selim M’SILI