Qu’avons-nous fait du multipartisme ?

“Aujourd’hui, nous ne pouvons qu’être sceptiques quant à la possibilité de changement par les élections”, proclame le Front des forces socialistes pour expliquer son refus de participer aux élections législatives du 17 mai prochain.

Il avait avancé la même explication à son boycott des sénatoriales de décembre dernier. Mais en même temps, le FFS dit refuser de répondre à une “injonction” de Zerhouni et d’organiser un congrès “dans la précipitation”. Quelle est la bonne raison des deux ?
Peut-être il faudrait d’abord se désoler que ce soit Zerhouni qui trouve motif à donner des leçons de fonctionnement à des partis à prétention démocratique. Sur la possibilité de changement par les élections, le FFS et la plupart des formations politiques auront été à bonne école : des caciques y prospèrent à coups de verrouillage électoral et de “redressements”. En matière de gouvernance, les statuts sont aux partis ce que la Constitution est à l’État. Et sur ce plan, le ministre de l’Intérieur, qui organisera les élections où la fraude sera déterminante, a tout le loisir de rappeler les devoirs de forme aux partis démocratiques.

Le FFS compte organiser son congrès, un congrès “politique”, en temps voulu. Est-ce nécessaire ? Le plus vieux parti de l’opposition en Algérie a la particularité d’avoir l’un des plus vieux — ou peut-être le plus vieux — chefs de parti du monde ; et la structure locale ne sert qu’à légitimer son existence politique extraterritoriale. Maintenant qu’il devient flagrant que son leader n’a pas de perspective personnelle dans le pays, le FFS refuse toujours d’affronter la crise décisive de savoir si, pour le parti, il y a une vie après Aït Ahmed. Et le cas échéant, s’interroger sur ce dont cette vie sera faite.

Au FFS, un leader à vie refuse de laisser “son” parti s’émanciper de son usage personnel ; ailleurs, la tentation clientéliste a eu raison de la plupart des dirigeants. Loin d’être des lieux de convergence, les partis sont vite devenus des enjeux internes et servent d’arguments aux ambitions de ceux qui se les approprient. Les partis du pouvoir n’ont plus à rougir de leurs pratiques dirigistes et clientélistes : la privatisation individuelle et clanique de l’engagement militant a nivelé la morale politique.
Finalement, quand le parti d’Aït Ahmed décidait de participer aux élections législatives de 1982 pour forcer le boycott imposé par les arouch, il n’était pas sincèrement intéressé par “réhabiliter la vraie politique en Kabylie”. Même si ces derniers ont fini par apprendre à marchander la maîtrise de “leurs” bases, il était surtout question de ne pas laisser la rente d’un monopole — ou d’un duopole — de l’engagement kabyle.

Le conseil national du FFS a raison : plus que jamais l’on doit, en effet, “être sceptiques quant à la possibilité de changement par les élections” ; plus que jamais, il paraît évident qu’il peut y avoir “le multipartisme, mais pas la démocratie”.
Il serait absurde de reprocher au système de n’avoir pas changé. C’est sa vocation de se conserver. Il est plus rationnel de nous demander, à nous les “démocrates”, les “opposants”, ne serait-ce que par égard à la mémoire des martyrs d’Octobre et de l’après-Octobre : qu’avons-nous fait du multipartisme ?

Mustapha Hammouche

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