Il était une fois l’Amicale…
Au lendemain de l’indépendance, durant les années 1960, émigrer était vécu par certains de nos compatriotes comme une nécessité économique. Vers le milieu de la décennie, nous comptions près de 600 000 personnes dans le seul territoire français, ce qui, à l’époque, nous paraissait énorme.
Des «sacrifiés» qui, souvent, se serraient la ceinture et se privaient de beaucoup de choses pour pouvoir dégager la somme d’argent qu’il fallait envoyer régulièrement chaque fin de mois pour aider à faire vivre la famille restée au bled. A l’époque, les autorités couvaient notre émigration sujette à un racisme parfois meurtrier et le pouvoir sous le défunt Boumediene mettait en place une politique favorisant la réinsertion. Aujourd’hui, la communauté algérienne en France compte près de 4 millions d’âmes, en plus du million disséminé à travers le monde. Les envois d’argent, eux, ont régressé.
Ils n’ont pas suivi la courbe démographique, et quand il arrive à nos émigrés de venir en touriste, ils préfèrent s’adresser au marché noir pour échanger avantageusement leurs sous. Peut-être parce qu’ils entendent dire outre mer que le pays est riche ?
Le déclin du dinar face à l’euro a cependant encouragé les émigrés à se construire un chez-soi cossu mais condamné, la plupart du temps, à rester vide et fermé. Aujourd’hui, personne ne parle plus en Algérie de «réinsertion». Aujourd’hui, on réfléchit plutôt «comment profiter des compétences algériennes à l’étranger».
Un colloque est organisé avec des invités venus de partout pour débattre et voir comment insérer nos compatriotes à l’étranger dans la stratégie de développement national. Des travaux qui s’attelleront à définir les mesures à prendre de façon à pouvoir profiter effectivement de l’épargne et surtout du savoir-faire des Algériens de l’extérieur.
Un objectif méritoire lorsqu’on sait qu’il existe en Occident près de 100 000 chefs d’entreprise et près de 3 000 chercheurs d’origine algérienne alors que le pays, engagé dans un ambitieux programme de développement, a tant besoin de leurs compétences.
La fibre nationaliste suffirait-elle aujourd’hui pour amener la communauté algérienne à mettre, sans contrepartie comme cela se faisait dans le temps, sa brique dans la reconstruction nationale ? Et comment fédérer une diaspora disséminée à travers un espace qui est loin d’être un mouchoir de poche autour de projets à concrétiser dans la lointaine mère patrie ?
Désigner une néo «Amicale des Algériens en Europe», comme du temps du parti unique lorsqu’à l’instar du mal-vivre, les harraga n’existaient pas ? Les Algériens où qu’ils soient restent chauvinement attachés à leur patrie, à leurs racines et ne demandent qu’à contribuer à son essor.
Sauf qu’ils ne semblent plus prêts à le faire pour rien et qu’il faudra donc, à l’avenir, penser à soumettre à notre communauté à l’étranger, lorsqu’on sollicite ses services, des formules «gagnant-gagnant». Quant à l’émigration-lobby, on pourra peut-être y penser mais sans trop perdre de vue le mot de l’imam Ali : «Ta patrie, c’est là où tu vis.»
Mohamed Zaâf