Rupture de confiance

A une semaine des élections législatives, les deux jeunes hommes affichent une solide méfiance. Je vous avoue que je suis toujours surpris par les propos politiques des jeunes, quoique ceux-là portent déjà la trentaine. Ne vous méprenez pas ! Il ne s’agit pas d’une sous-estimation de leurs capacités mais de l’agréable sentiment que malgré le silence imposé à l’opposition en dehors des brèves électorales, des citoyens se forgent leurs opinions de façon indépendante. Je ne sais pas s’ils sont nombreux à s’être libérés des carcans claniques et de l’assommoir des médias lourds.

Mais ils existent. Je vous disais donc que ces deux jeunes hommes affichaient, en me parlant, une solide méfiance. A deux, ils ont réussi à acheter une voiture et depuis ils rajoutent à leur petit business le travail de «taxieurs» clandestins. Quel mot terrible, ce terme de clandestin qui nous renvoie aux formes souterraines de survie dans notre pays depuis l’ère coloniale. Être clandestin, en marge, un peu ou beaucoup hors-la-loi avec les partis interdits, les amours interdites, le commerce interdit. Un véritable art du contournement, de l’esquive, de l’évasion par les interstices, de la ruse ou de l’intelligence, de la patience du moment à venir, de la survie. L’usage généralisé du téléphone portable a amélioré leur chiffre d’affaires.

Tout le quartier a leurs numéros et en cas de besoin vous pouvez les appeler pour un transport d’urgence. Cela double leurs chances et ce commerce les a rendus tolérants. La nuit, c’est plutôt les buveurs attardés qu’ils raccompagnent, le jour ils déposent souvent des filles en retard à leurs rendez-vous. Ce n’est plus leur affaire, vous comprenez … Ils exercent un métier, ils transportent les gens pressés, un point c’est tout, et que chacun vive sa vie.

L’un travaille plutôt le jour, l’autre plutôt la nuit et il leur arrive de rester longtemps ensemble au moment de la «relève». Ils me résument leur sentiment à propos des élections dans une phrase lapidaire : «Tu vas élire quelqu’un qui se contente de lever la main ?» Comprenez qui lève la main pour voter oui à toutes les propositions du gouvernement. Le reste vous le devinez, ils m’ont parlé de la corruption, des salaires des députés, des villas qui se construisent, des contrats dont ils ont entendu parler et de l’affaire… Khalifa et de la présidentielle française. Voyez-vous une solution pour rattraper cette rupture de confiance, pour surmonter cette disqualification de la politique, pour désamorcer les dangers de ce vide mortifère ?

MOHAMED BOUHAMIDI

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