Islamisme d’État et république alibi

Les récits d’agents de police soulevant le tapis de sous les pieds de chauffeurs de Logan pour vérifier s’il n’y a pas inscrit, en relief, un signe qui ressemble au nom d’Allah, ont peut-être fait sourire. L’affaire des deux personnes prises en flagrant délit de repas, un jour de Ramadhan, arrêtées et jugées, n’est plus que le souvenir d’un incroyable zèle de représentants de la loi.

Une récente enquête d’El Watan a établi qu’une méthodique opération de fermeture d’établissements de restauration et de débits de boissons est entreprise à l’échelle nationale dans le dessein manifeste d’appliquer le rigorisme islamiste à la société.

La Constitution, qui stipule que l’islam est religion d’État, commande, de ce fait, que les institutions œuvrent à faciliter la pratique de la foi, en même temps qu’elle garantit, d’ailleurs, l’exercice d’autres cultes. Mais, dans les faits, cette mission a été redéfinie en fonction des projections politiques des régimes successifs, voire en fonction des convictions doctrinales des dirigeants.

L’action publique, à l’origine circonscrite à l’organisation du culte et à son enseignement, s’est engagée dans le chemin aventureux de l’instrumentalisation politique de la foi populaire. Contre les velléités modernistes et démocratiques, d’abord.

Depuis quelques décennies, des réseaux putschistes transnationaux, prônant la résurrection d’un islam fondamentaliste, se sont créés avec l’intention de déposer les régimes des pays musulmans. L’Algérie fut une de leurs premières cibles.

Le pouvoir dispute l’arme de la religion à ces nébuleuses révolutionnaires en se montrant bon promoteur de la pureté religieuse qui doit régner en terre d’islam. Il le fait avec un zèle parfois contenu, parce que les conditions historiques de la naissance de l’État national soutiennent une perspective républicaine et parce que le contexte international est plus propice aux libertés qu’à l’inquisition.

Mais le mouvement de fond que le pouvoir algérien privilégie est celui qui vise l’adoption de l’État théocratique, un peu par conviction anti-démocratique de nos dirigeants et un peu parce qu’ils croient ainsi neutraliser leur contestation islamiste. Il y a donc une part de stratégique et une part de tactique dans l’islamisation, au sens intégriste de l’État et de la société.

Sans pouvoir aller franchement au bout de sa reconversion, la République s’est donné une nouvelle mission : celle de vigile de la foi.

Lorsque le Chef du gouvernement proclame que la “Constitution de la société algérienne, c’est le Saint Coran”, il proclame sa véritable conception de l’État algérien. La Constitution légale, dont l’existence tient aux raisons historiques et conjoncturelles énoncées plus haut, n’est qu’un moyen ou une contrainte, selon qu’on vise la prise de pouvoir ou sa conservation.

Dans un contexte où le fait du prince — de l’émir — tient de mode de gouvernance, l’État théocratique se consolide souvent au prix du déni de la Constitution et de la loi de la République.

La preuve, pour juger Habiba, on n’a pas eu besoin de puiser dans la loi le chef d’accusation de “pratique sans autorisation d’un culte non musulman”. Si les lieux de culte sont soumis, par la loi, à autorisation, il est peu probable que la foi personnelle le soit aussi.

Mustapha Hammouche

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