ENCORE HABIBA
Un lecteur, outré, m’a envoyé ce message : «J’ai lu par deux fois votre chronique sur notre concitoyenne chrétienne Habiba la bien-nommée. J’avoue que j’en sors troublé par la deuxième partie de votre texte. Habiba est-elle adventiste, protestante, catholique ? Non mais c’est du délire ou quoi ? Habiba est algérienne, point à la ligne.»
Oui, elle est algérienne, sa liberté de conscience est garantie par la Constitution et elle a le droit d’être chrétienne et de vivre sa foi. Voilà pour la liberté individuelle, et elle ne peut être moindre que celle des musulmans. Mais pourquoi est-il permis de s’interroger sur les pratiques des musulmans et de l’intrusion de la politique dans leur foi et interdit de s’interroger sur les pratiques des évangélistes ?
Faut-il ignorer leur forcing dans les pays du Maghreb en marge et souvent contre les Eglises catholique ou réformées ? Les évangélistes sont des femmes et des hommes qui tiennent à faire appliquer les textes religieux compris au sens littéral non pas à leur niveau individuel mais à l’échelle de la planète, c’est-à-dire les faire appliquer aux autres et surtout au détriment des autres comme en Palestine et en Irak. Il ne s’agit plus de foi mais d’idéologie politique.
Exactement comme certains parlent d’islam politique, il s’agit en ce qui les concerne d’Evangile politique. Le point le plus net pour tous est leur acharnement à réaliser la promesse de la Bible d’une Palestine promise au «peuple élu». Ils sont pour cela les pires des sionistes. Pour eux, les Palestiniens sont étrangers à cette terre, des usurpateurs à chasser avec la dernière des énergies sans égard aux droits humains car, pour eux, le texte de la Bible se situe bien au-dessus.
Et ils attendent du retour du «peuple élu» sur la terre de Palestine, la réunion des douze tribus juives qui annonceraient le retour du Christ et le règne de Dieu sur terre. Rien que cela ! Chaque année, ils organisent des pèlerinages à la gloire d’Israël en dépit des souffrances des chrétiens de ce pays mais les autres chrétiens ne sont pas dans la «vraie religion».
Aucun droit humain, pas même celui que nous invoquons pour Habiba de choisir sa foi, ne tient devant la loi divine telle qu’ils la comprennent. Et les évangélistes ont pour but de ramener tous les hommes à la «vraie religion», la leur, ou de les écarter, les combattre, etc. Les gens croient que seul l’islam a ses intégristes car eux seuls tiennent la une des médias.
Et si Habiba, j’écris bien «si», appartient à l’une de ces Eglises, nous sommes en droit et en devoir d’éclairer sur la vérité de ces Eglises et sur leurs méthodes. Sans pour autant interdire sa foi à Habiba comme personne n’interdit leur foi à tous ces Algériens qui ont versé dans l’intégrisme.
Personne ne leur interdit la mosquée mais tous les gens raisonnables de ce pays avertissent leurs concitoyens de la réalité d’abord politique et non religieuse de cet intégrisme musulman. On peut le faire pour les musulmans intégristes et pas pour les chrétiens ? Et cela relève de l’urgence car le cœur de la méthode évangéliste a intégré, si j’ose dire, les règles du supermarché. Sur l’ensemble des principes et du dogme, il leur suffit que vous preniez un seul pour être accepté.
C’est le supermarché de la religion. Vous y entrez, vous y prenez ce qui vous convient et laissez ce qui vous gêne et vous êtes adopté. Il n’a nul besoin d’un lieu consacré, une hutte, une bâtisse, un coin de rue suffisent pour accomplir sa nouvelle foi. La suite viendra plus tard.
Comme la guerre civile attisée au Darfour, comme la campagne hargneuse et féroce pour envahir l’Irak, comme le soutien sans discussion au déracinement des Palestiniens, la vénération du «peuple élu» dans ses pires œuvres, etc.
En grande partie, Bush agit comme un évangéliste et il vient de le prouver, encore une fois, à la Knesset. Frapper des convertis à la base ne sert à rien sinon à bafouer le droit élémentaire de choisir sa foi même piégée par la politique. Débattre des jeux et des enjeux reste autrement plus difficile.
MOHAMED BOUHAMIDI
