L’appel d’air du logement social
Bab El Oued et toute la partie Ouest du littoral jusqu’au Club des Pins étaient embourbés hier matin. Les agents de la voirie étaient mobilisés en force pour dégager la chaussée et déboucher les regards d’évacuation des eaux de pluie, obstrués par divers objets charriés par l’eau boueuse descendue des hauteurs.
Une eau boueuse qui n’a pas épargné les locaux de quelques commerçants qui s’affairaient à remettre en état leurs boutiques. Des scènes qui, même en format plus réduit, rappelaient les douloureux événements des inondations de 2001. En format plus réduit certes, mais dû seulement à la faiblesse de l’intensité des orages de la nuit de lundi à mardi. Une intensité qui n’avait rien à voir avec celle que garde, en très mauvais souvenir, Bab El Oued. Mais cela veut dire aussi que si l’intensité avait été plus forte, la région aurait rebeloté avec le cauchemar.
Cela veut dire également qu’à part le tronçon de Chevalley à Triolet où l’Etat a mis le paquet pour contenir la furie des eaux, rien ou presque n’a été fait dans les parties environnantes. En tout cas, rien de sérieux. Car enfin, il ne faut pas être ingénieur des ponts et chaussées pour savoir que la pluie n’est jamais boueuse. La boue se forme là où le déboisement et la déforestation existent. La principale cause, que chacun connaît, provient des constructions illicites ou plus exactement, des habitats précaires, anarchiquement construits et, que le lexique officiel refuse d’appeler bidonvilles. Ces bidonvilles n’en finissent pas de repousser à la périphérie des villes. Pour ceux, de nos responsables, qui croient que la solution est dans le logement social, se trompent lourdement.
On aura beau construire des millions de ce type de logement, c’est l’effet inverse qui sera obtenu. Il faut savoir que chaque distribution de ces logements, fait office d’un puissant appel d’air pour de nouvelles baraques. De nouveaux candidats qui n’ont plus qu’à attendre le prochain recensement pour être recasés.
La solution? Celle-ci n’est pas non plus dans le seul développement du logement rural. En clair, les bidonvilles ne sont pas stricto sensu l’affaire du secteur de l’habitat. Elle est dans un développement rural bien intégré. Un développement apte à fixer la population des campagnes. Une population qui a bien d’autres besoins que le logement. Des besoins qu’elle ne peut satisfaire actuellement qu’en ville.
Un développement rural bien intégré par une décentralisation avec pouvoir de décision réel des services publics régionaux, par un aménagement industriel du territoire bien pensé, par la réhabilitation du travail de la terre rendu «salissant» par l’industrie-industrialisante des années 70 et, plus paradoxalement, par les mille villages socialistes agricoles. Pour faire court, disons que pour lutter contre les bidonvilles, il faut que tout ce qui existe en ville puisse être retrouvé dans le monde rural, à deux ou trois variantes près. Sinon, il faut arrêter de se leurrer et s’attendre au pire aux prochains orages.
Zouhir MEBARKI