“PEUT MIEUX FAIRE”
Une toute récente étude conjointe de IBM Institute for Business Value et du prestigieux hebdomadaire londonien The Economist *, dresse un tableau exhaustif et établit un classement de la pénétration des technologies de l’information et de la communication (ereadiness) dans 70 pays, dont le nôtre. Le classemnt donne une note de 3,61 à l’Algérie qui se positionne à la 67e place parmi 70 pays recensés.
Premiers de la classe, les Etats- Unis obtiennent une note de 8,95. Pour ne comparer que ce qui est comparable, notre pays vient loin derrière les Emirats arabes unis classés 65e (avec une forte note de 6,09), l’Arabie saoudite 46e (avec 5,23), la Jordanie 53e (avec 5,03) et l’Egypte 57e (avec 4,81).
Même sévère, pour l’Algérie, le verdict n’est pas dénué d’intérêt. Loin de là. Il offre une précieuse mesure de la capacité des différentes économies à absorber les TIC au profit du progrès économique et social, partant de l’idée première que «lorsqu’un pays développe l’usage des TIC, son économie gagne en transparence et en efficacité». L’étude se propose d’aider les Etats à évaluer leurs stratégies de lutte et les entreprises à orienter leurs décisions d’investissement.
Au total, près de 100 critères, à la fois qualitatifs et quantitatifs, sont pris en compte dans le classement. Ces critères révèlent l’intensité de l’usage des TIC dans les domaines économique, industriel ou social. Ils sont regroupés en six catégories, qui totalisent 100 points, et reflètent des niveaux divers de maturation, comme la connectivité, l’environnement, les investissements publics, les politiques développées et les attitudes sociales et culturelles entourant l’adoption d’Internet.
1. Connectivité et infrastructure technologique (20%) ;
2. Environnement de l’entreprise (15%),
3. Pratiques sociales et environnement culturel (15%) ;
4. Cadre juridique (10%) ;
5. Stratégie et vision politiques (15%) ;
6. Absorption et consommation (25%).
La connectivité s’entend comme l’accès pour le plus grand nombre à un coût abordable et de haute qualité. Il s’agit d’un critère matériel ou infrastructurel qui intervient pour 20% dans l’appréciation globale. Il mesure l’aptitude pour les particuliers et les entreprises à accéder à des réseaux mobiles et à l’Internet, ainsi que leur capacité d’accéder à des services numériques par des moyens modernes comme les cartes d’identité numériques.
Un accès effectif utilise deux principales mesures : la pénétration et l’accessibilité. Pénétration des ordinateurs personnels, de téléphones mobiles par abonnement, d’Internet sans fil (WiFi), etc, autant d’indices pour «une représentation optimale de la mesure dans laquelle des services voix et données sont accessibles aux résidants d’un pays». Accessibilité aussi, grâce à de faibles coûts d’abonnement aux services numériques pour les ménages et les entreprises, la sécurité des serveurs internet, l’engagement du pays à mettre en œuvre des cartes d’identité numérique.
«Le monde numérique continue de répondre à cet impératif, car il a été enregistré environ 350 millions d’hommes qui ont accès à l’internet à haut débit et 1,5 milliard d’abonnés au téléphone mobile dans le monde en 2007». Des chiffres en croissance vertigineuse puisque les projections les plus réalistes tablent sur 50% de taux de pénétration des services de téléphone mobile d’ici le milieu de l’année en cours et 75% dans moins de quatre ans. Sur ce premier critère, l’Algérie est affectée d’un score de 3,60 (sur 20). Qu’en est-il de l’environnement des entreprises ?
«Ajouter un «e» (électronique) à une partie de l’économie ou de la société ne change pas sa nature», préviennent les rédacteurs du rapport. L’évaluation générale du climat des affaires intègre 70 indicateurs de mesure de l’attractivité d’une économie pour les investisseurs sur une période s’étalant de 2008 à 2012. Ces critères portent sur des facteurs comme la croissance de l’économie, la stabilité politique, la fiscalité, la concurrence, le marché du travail, le régime de change et l’ouverture au commerce et aux investissements. Ici, notre pays obtient son meilleur score : 5,36 sur 15.
Les pratiques sociales et l’environnement culturel mesurent la disposition des populations, leur réceptivité et leurs aptitudes à exploiter une technologie. «Pour que les citoyens soient en ligne, les pays ont besoin d’être alphabétisés internet. Ou plutôt, la technologie doit tenir compte de leur niveau d’alphabétisation afin de les amener en ligne. L’Inde est un pays leader mondial dans les efforts visant à construire l’«einclusion» des programmes afin que les citoyens puissent accroître leur accès aux services publics même s’ils ne savent pas lire.»
Plus fondamentalement, ce paramètre, qui relève de la noosphère, prétend évaluer l’esprit d’entreprise, la qualification de la main-d’œuvre, l’innovation dans chaque marché (mesurée par le nombre de brevets et de marques déposées, ainsi que le niveau de dépenses de recherche développement). L’intérêt ici est d’évaluer les pesanteurs sociologiques et culturelles pour apprécier dans quelle mesure la société favorise la création d’activités économiques qui peuvent conduire à favoriser la propriété intellectuelle, de nouveaux produits et industries.
L’Algérie obtient ici un bien maigre score : 4,31 sur 25 L’environnement juridique est apprécié comme un savant dosage de «droit de consolidation » permettant aux partenaires commerciaux d’utiliser les signatures numériques et des contrats électroniques juridiquement contraignants, avec une gestion des droits numériques et la protection de la propriété intellectuelle, d’une part, et la précaution de ne pas trop réglementer, d’autre part. Le poids de ce paramètre dans la note globale est de 10%.
Là aussi, l’Algérie s’en sort relativement bien avec un 3,40. Stratégie et vision politiques mesurent, à hauteur de 15% de la note globale, le poids des TIC en proportion du PIB, la stratégie de développement numérique, l’estratégie du gouvernement, les achats en ligne, etc. «Les gouvernements nationaux ont été pendant des décennies les principaux défenseurs, architectes et bailleurs de fonds en matière d’infrastructures de communication.
Leur intervention reste marquante dans la gestion et l’allocation des ressources nécessaires pour faire fonctionner les réseaux, comme les fréquences radio ou les droits de passage pour les câbles, pour maintenir un environnement concurrentiel et, plus globalement, pour émettre les «cahiers des charges» ou «feuilles de route» nécessaires à l’articulation des objectifs pour l’émergence d’une économie de l’information. Le rapport affecte une note de 3,20 à l’Algérie.
Sixième et dernier paramètre : absorption et consommation de produits et services (25% de la note totale – l’Algérie est affectée ici d’une faible note : 2,45). Il s’agit d’un «écosystème» favorisant l’utilisation des services numériques dans un pays que le document apprécie à partir du poids des dépenses publiques dans les TIC et à partir de la mesure dans laquelle les transactions en ligne sont utilisées par les entreprises et les particuliers.
Entrent ici en ligne de compte la consommation de l’information et de la technologie des communications par habitant, le niveau de l’edéveloppement des entreprises, le degré de généralisation du commerce en ligne, la disponibilité de services publics en ligne pour les citoyens et les entreprises.
En conclusion, l’étude recommande aux Etats de favoriser l’émergence des forces du marché («plus efficaces que les gouvernements dans la création de réseaux et pour trouver des prix abordables pour les consommateurs»), tout en maintenant un niveau d’intervention qui assure l’accès aux plus «démunis » et aux communautés rurales et pauvres. Un accès à ce qui est désormais classé comme «basic needs» (besoins fondamentaux) au sens où l’entendent les organismes des Nations unies.
Ammar Belhimer
* Economist Intelligence Unit – The IBM Institute for Business Value, «Ereadiness rankings 2008 : Maintaining momentum», mai 2008.