Un limogeage et des incertitudes
L’ancien P-DG d’Algérie Télécom, M. Mouloud Djaziri, soutient avoir été licencié par son patron, M. Boudjemaâ Haïchour, le ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, sur un coup de téléphone de la présidence de la République.
Limogé pour avoir «refusé d’honorer des factures douteuses», dit-il. A voir la qualité des acteurs et le niveau des institutions citées, le profane serait sans doute pris à contre-pied et pourrait penser de prime abord qu’il s’agirait de sommes colossales liées à d’importants et complexes marchés contractés avec d’«honnêtes» Etats condescendants.
Mais quand on prend la peine de lire la presse et qu’on prend connaissance de l’affaire, on se rend compte que le montant total des factures présumées galeuses s’élève à six millions de dinars. Une somme plutôt dérisoire à ce niveau où elle ne pourrait tout juste que contribuer au paiement d’une facture de téléphone. Algérie Télécom, qui en est à son énième étêtement, le département stratégique des télécommunications et la présidence, qui dans la hiérarchie étatique se trouve perchée plus haut que toutes les autres institutions du pays, se trouvent éclaboussés pour des broutilles.
Est-ce là une situation normale pour un Etat qui œuvre à récupérer son autorité ? Est-ce acceptable de voir la presse devancer la justice pour s’emparer de telles affaires ? Un cadre algérien raconte à la une les «factures douteuses» mais aucun responsable ne bouge le petit doigt pour recueillir les confidences complémentaires qu’on est apparemment prêt à la livrer.
Ce que déclare M. Djaziri est grave et ne peut rester sans suite. D’autant qu’à la présidence, on a vite fait de démentir tout lien avec les histoires de factures et autre limogeage «prémédité». Comme il est vrai que M. Djaziri n’a pas incriminé directement la présidence mais a judicieusement placé M. Haïchour en position d’intermédiaire. Une tchekchouka locale qui ne manque pas de piment !
Pourrait-on espérer doter l’Algérien, en voie de citoyenneté, d’une i’zza, d’une karama, lorsque son propre Etat se trouve lui-même en manque ? Si l’on ne peut être affirmatif face à une telle question, en revanche, on peut dire sans risque de se tromper que de telles sorties ternissement l’image du pays et portent atteinte à son renom. Y compris auprès de ses propres enfants dont certains hésitent encore à accorder aux institutions nationales la confiance qui leur est due.
Un terrain malsain dont les conséquences démoralisent et finissent par pourrir petit à petit toute la trame sociale algérienne. Qui respectera les institutions algériennes si les Algériens eux-mêmes ne les respectent pas ? Et puis, est-il vraiment difficile de les faire respecter… normalement ?
Mohamed Zaâf