Démocraties et dictatures : l’entente cordiale
Les cultes barbares, basés sur les rites sacrificiels, ont disparu ou survivent, peut-être, en îlots primitifs inaccessibles. Mais cette manifestation de la surpuissance des divinités, qui consiste pour le maître, à voir ses idolâtres mourir pour la pérennité de son règne, semble avoir survécu à l’antiquité à travers les dictatures. Et les sectes.
La souveraineté est, à l’évidence, une invention des tyrannies : elle permet de laisser mourir d’autres milliers de Birmans parce que l’organe d’autorité voit une menace dans tout corps étranger, fut-il un intervenant humanitaire venu livrer de la nourriture et des médicaments. Le général… ne veut pas que des puissances hostiles à son régime viennent violer le huis clos de sa dictature sous prétexte de secourir des sujets frappés par la catastrophe naturelle et démunis des moindres moyens de survie.
Comme par ironie, c’est pour ne pas avoir ajourner un vote pour la Constitution que le généralissime remet l’enterrement des cadavres à plus tard et, peut-être à jamais. Un impératif électoral au pays de l’autoritarisme absolu, c’est un chef-d’œuvre du surréalisme !
Ailleurs qu’en Birmanie, des peuples sont otages de leurs tyrans qui savent s’entourer de leurs gardes prétoriennes rétribuées par le droit à la rapine, à la corruption et à l’abus de pouvoir et qui, souvent, tient lieu d’“armée nationale”. Des cadres corrompus par les privilèges d’État achèvent d’“encadrer” une société ligotée et normalisée jusque dans sa pensée.
L’autoritarisme tend souvent au totalitarisme. Cette survivance des souverains-dieux, si elle se manifeste de façon spectaculaire en Asie, avec la Birmanie et la Corée du Nord, elle prolifère en Afrique et dans le monde arabe. Il n’y a que des différences de degré.
La communauté internationale est bardée de Conseils, de Conventions, de Commissions qui veillent aux droits de l’Homme. Simple épouvantail légitimant la diplomatie rentière du multilatéralisme. Depuis une semaine, les États les plus riches “menacent” d’aider les Birmans affamés et sans abris, sans effet réel. “L’immigration choisie”, soutenue par le lien entre la diplomatie occidentale et le pouvoir d’achat de ses sociétés, théorisée par Sarkozy, renvoie les peuples emprisonnés à la solitude de leurs conditions.
On ne peut exiger des démocraties du Nord d’“accueillir la misère du monde” ni de pallier la “misère politique” du Sud. Surtout que les dictatures ont su adapter le vote légitimant la nature de leurs systèmes. Beaucoup de Birmans vont mourir de trop d’amour dictatorial pour le vote. Alors, tant que leur tourment ne crève pas trop les écrans plasma, on laisse les victimes se débrouiller avec leurs bourreaux.
L’humanisme kouchnérien, sorte d’ingérence sonore mais passive, peut donner bonne conscience à une opinion qui consentirait bien quelques sacrifices pour que la misère n’envahisse pas trop son espace vital.
Les dictatures tiennent leur longévité de la mortalité des peuples qu’elles soumettent. Les démocraties tiennent la leur de l’amélioration de la condition de leur peuple. C’est cette entente “dans le respect des différences” qu’on appelle peut-être la non-ingérence.
“Est-ce que ce monde est sérieux ?” chante Francis Cabrel.
Mustapha Hammouche