Du Djurdjura au Chenoua

Un brave garçon quitte la wilaya «quinze» pour la…«quarante-deux», à Koléa, précisément pour une virée qu’il n’a jamais, justement, annoncée à Rabah Barik, ce discret juge qui adore aller droit, en plein coeur des débats, farfouiller le dossier du jour: «Qu’aviez-vous sur vous? Que vous est-il arrivé ce jour et cette nuit de si désas-treux?», questionne le magistrat qui ne quittera pas des yeux les deux inculpés de vol.

Deux inculpés sûrs de leur situation car nous allons le signaler en une seule phrase: «Nous sommes innocents et nous ne comprenons pas le geste de ce copain.» Et ce dernier va tout raconter et surtout le subterfuge qui n’arrive qu’aux naïfs qui ne quittent jamais leur patelin et qu’une fois effectuée, cette sortie leur vaut plus que des désagréments. A quatre reprises, il a donné la même version: «J’ai été invité à prendre un breuvage et puis je ne me suis souvenu de rien du tout sauf que je n’avais plus retrouvé mon sachet qui contenait une forte somme, volatilisée.»

Il est vrai que cette victime à l’air ombrageux et la mine défaite, n’a pas beaucoup aidé Barik qui, il faut le reconnaître, a fait un effort pour le suivre. Au fond, n’importe quel magistrat censé n’est pas obligé de croire un justiciable qui raconte une histoire de vol, sans aucune preuve, ni témoin!

Silencieux tout au long des débats, le procureur devait avoir au moins une bonne raison pour ne pas poser de question. Il n’en a pas! Mais l’indivisibilité du parquet, elle…

Pour la victime, Maître Mohamed Ali plaide la culpabilité des deux inculpés de vol. Il va de suite s’excuser aux lieu et place de la victime dont l’accent, fort appuyé, de Aïn El Hammam, ne lui avait pas permis de bien expliquer sa situation. Ce qui fera réagir Hadj Rabah Barik, le président qui soutiendra que le tribunal a bien entendu et compris la victime et, quand bien même, le tribunal affirmera avoir compris.

«Le scénario mis en place pour subtiliser de l’argent du sachet est diabolique. Il a été invité à entrer chez la cousine du coin et consommer un breuvage qui l’a fait rejoindre les bras de Morphée.» Passant aux deux millions de centimes empruntés par la victime, l’avocat a, là aussi, trouvé normale une opération d’emprunt d’un ami de vingt années, à un autre.

«Pourquoi ne pas le croire? Regardez la tête! Ce n’est pas celle d’un menteur, encore moins celle d’un fabulateur écervelé», a conclu le défenseur qui a mis beaucoup de coeur pour valider les déclarations de son client, ligoté il est vrai beaucoup plus par l’émotion, que par son statut de victime.

Ce ne sera pas le cas de la brillante avocate des deux défenseurs, si sûre d’elle qu’elle va faire gagner beaucoup de temps à Barik qui n’en demandait pas tant. En effet, Maître Kadi Hayet, pour les deux inculpés, parlera longtemps, d’une affaire bidon, une affaire montée sur les simples déclarations de la victime qui ne sait plus si elle a mangé ou bu un breuvage «assommant».

«La vérité, c’est que la victime voulait amasser une certaine somme dont elle avait besoin et que le doute est ici à mettre au pluriel. Il n’y a ni témoins ni preuves matérielles et donc il n’y a que la relaxe, même au bénéfice du doute.» La victime est émotive et ses propos incohérents. Maître Mohamed Ali réplique à propos de la plainte déposée à Aïn El Hammam (Tizi Ouzou). Le juge préfère passer outre et rester au stade de l’inculpation.

A signaler que le procureur a requis une peine de prison ferme de un an et une amende, sans étayer ou appuyer par des arguments de droit ses demandes. D’ailleurs, les deux jeunes inculpés ont sursauté, croyant que c’était là le prononcé du verdict. Mais la preste Maître Kadi, du regard va les rassurer que ce n’était là que les demandes du ministère public.

Mis en examen, le verdict aura été ce que n’avait cessé de réclamer cette ravissante avocate qui a soulevé tant de questionnements, lancé tant d’exclamations, exprimé tant de douleur que Hadj Rabah Barik, ce modeste président n’a eu d’autre décision à prendre que la relaxe des deux gus dont l’un regardait sa connaissance de «victime» avec beaucoup de pitié, pensant tout bas. «Le pauvre! Et dire qu’elle est venue me demander de l’aider. Cet autre état d’esprit qui fait mal lorsque l’ingratitude est au rendez-vous!»

Abdellatif TOUALBIA

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