Pouvoir durable et développement précaire

Le Chef du gouvernement a confirmé la culture du fait du prince énoncée par son ministre des Travaux publics. “C’est une décision de l’État algérien”, avait déclaré Ghoul à l’intention des défenseurs du Parc national d’El-Kala ; “la référence obstinée à ce texte de loi (décret relatif au statut des Parcs nationaux et loi n°03-10 du 9 juillet 2003 sur l’environnement)” est “tendancieuse”, a surenchéri Belkhadem à l’adresse des délégués du Comité de sauvegarde du même parc.

Ce n’est donc pas parce qu’une loi est votée qu’il faut la respecter. La démarche correspond bien à l’esprit du pouvoir : les textes sont des instruments au service de son autorité ; s’il incommode son arbitraire, il peut soit les ignorer, comme c’est le cas en matière de développement durable, soit les changer comme il souhaite le faire pour la Constitution.

La solution de contournement du parc a été évacuée pour des raisons financières dans une logique qui fait primer la facilité sur la durabilité. Avant même d’évaluer l’impact d’un évitement sur le projet global d’autoroute Est-Ouest, le préjudice écologique à long terme est justifié par une économie budgétaire toute relative à court terme. C’est là l’expression franche d’une attitude antiécologique.

C’est dans ce même esprit de facilité que la loi du 4 août 2005 a été par deux fois suspendue dans son article 14 qui prohibe l’extraction de sable des oueds et des plages. Pour ne pas dépenser de l’argent à développer la production industrielle de sable et de gravillon, et peut-être pour ne pas menacer les rentes des trafiquants de sable, il faudrait continuer à sacrifier les fonds limoneux et à menacer les nappes aquifères.

De la même manière, la loi du 5 février 2002 sur le littoral oblige les agglomérations côtières de plus de cent mille habitants à se doter d’installations d’épuration des eaux usées, mais se garde bien de leur fixer un délai pour s’y conformer.

L’État, loin de se considérer comme un justiciable, est conçu comme au-dessus de la loi, parce qu’il est le lieu de production de cette loi. Il y a, chez nos autorités, comme une sincère conviction de légitimité de l’État de non-droit. La loi est confrontée aux limites culturelles de la classe politique.

C’est tellement commode de se donner ainsi un arsenal juridique qui fait croire à une volonté politique quand on a la latitude de désarmer l’état et la société en faisant valoir le principe du fait du prince ! Le dispositif législatif prend alors un statut cosmétique qui donne des allures d’État de droit à un régime qui s’autorise tous les abus.

Les prochaines générations risquent de ne pas comprendre et de trouver déraisonnable le comportement d’aïeux qui auront amassé des fortunes par l’exploitation du sous-sol national, employé cet argent à détériorer le sol et les rives du pays, mais qui l’auront économisé quand il se serait agi de réduire l’impact destructeur de leur action sur l’environnement.

En privilégiant, dans les secteurs, les modes de construction à courte vue, notre régime aura inventé, en pleine époque de durabilité, la stratégie du développement éphémère. C’est le comble du paradoxe pour un pouvoir qui développe tant de génie à chercher le moyen de durer.

Mustapha Hammouche

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