Censures
La conférence donnée par Marc Ferro, éminent historien spécialiste des pays socialistes et de la décolonisation, devant les membres de la Commission de l’Assemblée française désignée pour la mémoire et les célébrations, est venue corroborer les déclarations faites par des philatélistes algériens à l’occasion du Salon du timbre de Constantine.
Marc Ferro a longuement parlé de la censure qui s’exerce sur l’historien et des interprétations changeantes de l’Histoire. Il a cité, notamment deux exemples d’Etats qui exercent ou ont exercé la censure étatique sur l’écriture de l’Histoire: l’ex-Union soviétique et l’Algérie. Il a donné des exemples flagrants de gommage de personnalités célèbres.
Comme la roue de l’Histoire ne cesse de tourner, il arrive que le gommeur soit, à son tour, effacé par son successeur. Ce fut le cas de Staline.
Pour l’Algérie, le cas est beaucoup plus complexe. Pendant longtemps, le régime issu de l’été de la discorde, ceux qui se sont empressés d’écrire sur les murs de nos villes «Un seul héros, le peuple», pour mieux barrer la route du pouvoir aux légitimistes, a tourné le dos à l’Histoire sous prétexte que tous les martyrs méritent la même place au Panthéon de la mémoire.
C’est une dérobade qui cache bien des faits. Il est indéniable qu’il y a et qu’il y aura toujours des personnages de premier plan, des Prométhée qui passent le feu aux autres comme on passe un témoin.
Cela ne dérange personne que l’Emir Abd El Kader figure le premier dans la série des hommes célèbres, pour la bonne raison que les tenants du pouvoir confondent souvent régime et nation.
Massinissa, Syphax, Jugurtha, saint Augustin, Yaghmorassen, Ibn Khaldoun ont tous apporté leur pierre à l’édification de l’Histoire. Nul ne peut comprendre l’aboutissement de la construction de la nation sans le tarbouche de Messali ou la moustache d’Amirouche.
On ne peut éternellement enterrer un Ben Bella et, déterrer Abane Ramdane ou Krim Belkacem, ce qui ne peut que donner plus de lustre à l’Histoire du pays.
L’Histoire est comme un diamant: c’est avec ses multiples facettes qu’elle éclairera mieux l’avenir.
Selim M’SILI