L’esprit déserteur !
Aujourd’hui les Maghrébins commémorent le cinquantenaire de la Conférence de Tanger qui regroupa l’Istiqlal marocain, le néo-Destour tunisien et notre FLN, alors en pleine guerre de libération face au colonisateur commun : la France. Un événement qui nous est cher, ce qui explique le fait que ce soit le secrétaire général du FLN lui-même qui conduira une délégation de son parti comprenant de hauts responsables, notamment le chargé de l’information et de la communication, M. Saïd Bouhadja.
Mais, pour cette année, l’anniversaire ne sera pas célébré dans le seul Maroc. Hier, un communiqué de presse signé de M. Bouhadja indiquait qu’une autre délégation algérienne s’était envolée jeudi dernier pour Tunis où il est prévu également une rencontre sur la Conférence de Tanger. Pour sa part, Alger a aussi organisé, en collaboration avec le conseil consultatif de l’UMA et l’association Mechaâl Echahid, une rencontre consacrée à l’historique rencontre de Tanger.
Mais aujourd’hui les trois capitales nord-africaines sont-elles capables de faire revivre le type d’espoir insufflé aux Maghrébins de 1958 ? Lorsque nos peuples croyaient dur comme fer en leur communauté de destin et en une unité qui, paradoxalement, s’empressa à déserter les lieux dès les drapeaux et les timbres distribués ? Cinquante ans après, rien n’est moins sûr ! Mais sont-ce les peuples qui rejettent l’union ? Les Maghrébins ne s’aimeraient-ils plus, ne se considéreraient-ils plus dans la même galère comme avant ?
«Il ne devrait pas y avoir de frontières entre les Etats maghrébins, et nous aspirons à l’union des peuples maghrébins», estimait M. Bouhadja, résumant la pensée dominante au Maghreb. Une pensée qui n’est pas «réaliste», pourrait lui rétorquer Peter Van Walsum. Dans le Maghreb d’aujourd’hui, non seulement il y a des frontières mais on y construit des murs. Dans l’UMA actuelle, on exige le visa au Mauritanien alors qu’on en dispense le Français.
Dans notre cher Maghreb, on chante vigoureusement la fraternité mais on empêche les gens de retourner mourir sur leurs terres après les avoir forcé à un exil de plus de trente ans ! La construction maghrébine ne peut aller loin quand on en arrive à user de tous les artifices pour imposer son joug à un peuple qui réclame un droit imprescriptible : l’autodétermination. Voilà plus de trente ans que le Sahara occidental a troqué brutalement le colonisateur espagnol contre un colonisateur «frère», sans qu’on décolonise.
Entre-temps, l’UE s’est construite, l’UA se construit. L’UMA ? Elle se consume dans la désillusion ! L’UMA s’efface devant le Maghreb de l’informel, grand producteur de mal-vivre, de narcotrafiquants et de harragas. Rien ne se fait ensemble ni en économie ni dans le domaine culturel ou sportif ; on ne produit même pas en commun un jeu éducatif pour gosses.
Lorsque l’un de nous a besoin de patates, de viande cameline ou de dattes il va les chercher sur le nouveau continent. Possible que là-bas on pourra se dénicher une union. D’ailleurs, les informations annoncent une autre initiative Eizenstat qui serait en préparation pour «intégrer» le Maghreb dans un monde globalisé. Cependant, on ne sait toujours pas où M. Eizenstat place le territoire du Sahara occidental et sous quelle souveraineté.
Mohamed Zaâf