Droit ou pas droit ?
Quelques lecteurs ou amis m’ont fait gentiment le reproche d’avoir zappé l’appel à la constitution d’un pôle, d’un front ou d’un rassemblement démocratique, peu importe l’appellation. Il est évident que ces amis ou lecteurs approuvent au moins en partie l’initiative des quarante personnalités qui ont signé cet appel. La vérité exige aussi de rappeler que des commentaires acerbes ont suivi cet événement dont quelques-uns franchement hostiles.
Je les ai senti interloqués, peinés, un peu inquiets qu’une initiative franchement démocratique dans les principes qu’elle énonce et qu’elle confirme soit de cette façon disqualifiée. Justement, je ne suis pas le plus qualifié pour répondre à cette invitation amicale. Je suis plutôt intéressé par les bonnes questions qui se posent au pays que par les réponses, forcément partielles, que peuvent apporter partis politiques et observateurs. La première bonne question est relative à la légitimité de cet appel.
Ces personnalités sont-elles en droit de se rencontrer, de débattre, de proposer des perspectives ? La réponse est évidemment oui. A partir de là, toute tentative de disqualification de cette démarche à partir d’un point de vue personnel ou partisan devient un déni de démocratie et une tentative de faire croire que la vérité est d’un seul côté et d’un seul monopole. Bien sûr, toute démarche qui consiste à soumettre un texte public à l’attention des citoyens implique le droit des citoyens à le critiquer, à l’accepter partiellement ou en totalité ou à le rejeter.
Dans son principe, cet appel de démocrates inclut au contraire l’ouverture du débat y compris sur le timing de cette opération qui a laissé croire à une action motivée par les élections législatives bien que ses promoteurs s’en défendent, rappelant qu’elle se prépare depuis de longs mois et que cette coïncidence ne diminue pas à leurs yeux sa portée et surtout leur volonté à la prolonger au-delà des élections parlementaires. Il n’y a aucune raison de douter de leur bonne foi surtout qu’en prenant date ils prennent un engagement pour la continuité. Je pense que cette initiative a deux défis à relever.
Un défi pédagogique, celui de nous convaincre qu’entre Algériens, il n’existe qu’une solution vivable : celle de la démocratie. Et un défi politique, celui de faire de la démocratie la meilleure méthode pour résoudre les problèmes concrets des gens. Cet appel pèche beaucoup par cette absence de profondeur et de prolongements sociaux. Les signataires pourront-ils relever le défi et gagner le pari sans espérance ? C’est déjà le débat entre ceux qui ont signé et ceux qu’ils invitent à les rejoindre. Ils ont le droit de le faire.
MOHAMED BOUHAMIDI