Y a de l’argent, pourquoi réformer ?
Le même jour, une ministre (déléguée à la Réforme financière) et un ministre (chargé des Relations avec le Parlement) divulguent deux informations contraires : la première annonce que l’État va observer une pause dans l’octroi d’agréments aux banques étrangères ; le second proclame que l’État va faciliter l’installation des “banques islamiques”.
Le ministre chargé des Relations avec le Parlement veut encourager l’arrivée de ces banques parce qu’elles ont les faveurs du public ; la ministre des Réformes veut “re-canaliser” le crédit à la consommation ; ce qui suppose que ce type de prestations est trop demandé.
Le cafouillage en matière de banques et de finances est aussi ancien que l’idée de réforme financière. D’ailleurs, Mme Mentouri en a annoncé plusieurs sans trop savoir si elles seront effectives ni quand elles le seront : centrale des risques, banque d’investissement, regroupement des banques en pôles… La centrale sera prête en 2009 ; la banque d’investissement est encore à l’état de propositions ; et les banques seront regroupées et spécialisées.
D’ailleurs, spécialisées, on croyait qu’elles l’étaient déjà. Semblant prendre acte que “23% des transactions se déroulent en dehors du circuit bancaire”, la ministre de la Réforme financière se contente de “regretter” que “le chèque normalisé ne soit pas généralisé”. Conséquence de ce constat d’impuissance : c’est l’effet qui devient le problème : les banque sont confrontées à l’insuffisance de production de la Banque centrale “qui n’arrive pas à satisfaire toute notre demande”.
Les hésitations et les improvisations qui ont toujours marqué la gestion du système bancaire semblent s’être aggravées avec l’abondance de l’argent due à l’excès de recettes pétrolières. Le budget de l’État tient lieu d’affaire et on y puise probablement les agios nécessaires à la maintenance d’un système bancaire bureaucratique et archaïque. Avec l’habitude de tout “repenser” sans y toucher, la notion de réforme a évolué en simple exercice intellectuel.
On conçoit des résolutions aussi facilement qu’on peut renoncer à les appliquer. Il fut ainsi de la privatisation du CPA, dont le feuilleton reprendra en juin, comme de l’obligation du paiement par chèque. Il en sera peut-être ainsi de l’ouverture du capital des banques et de l’installation de banques privées.
Dispensée du devoir de mise en œuvre et encore plus de délai de réalisation, la réforme peut se suffire à elle-même : elle prend l’allure d’une incantation.
L’Algérie coule à flots. Et chaque responsable ne conçoit plus sa gestion que comme une fonction de régisseur qui décaisse sa part de la rente : le ministre du Commerce veut subventionner les pois chiches et les lentilles ; le ministre de l’Habitat veut subventionner le ciment ; le ministre de l’Agriculture veut subventionner la production de céréales… On compense le déficit de gestion par son financement. Avec de l’argent qui n’est pas le fruit de notre activité économique.
L’Algérie a déjà oublié la tragique crise des années 1980-90 ; elle s’enfonce à nouveau, et dangereusement, dans une espèce d’économie de la dépense. Sans penser au jour où il faudra en sortir. Mais cela, c’est le futur. Et ce sera à d’autres de payer.
Mustapha Hammouche