L’Algérie face au défi du pétrole cher

Les prévisionnistes les plus sérieux nous annonçaient des prix du baril de 50-55 dollars en 2006, et 45-50 dollars en 2007. Le marché en a décidé autrement et c’est la fourchette 90- 100 dollars le baril qui s’est imposée. C’est dire que dans le domaine pétrolier plus que dans tout autre, «la prévision est un art difficile, surtout quand elle concerne l’avenir».

Le mot qui caractérise le plus le marché pétrolier mondial est celui d’incertitudes. Et les incertitudes concernent aussi bien la demande que l’offre. Du côté de la demande, il faut d’abord rappeler que contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas la Chine qui est le plus grand consommateur de pétrole mais les Etats-Unis. Un Américain consomme 11 litres de pétrole par jour, soit en moyenne deux fois plus qu’un Européen, 15 fois plus qu’un Chinois et trente fois plus qu’un Indien. Mais si les Etats-Unis sont les plus grands consommateurs de pétrole, les Chinois sont les plus grands énergivores : «Il faut trois fois plus de pétrole à la Chine pour générer une unité de PIB que les Etats-Unis, et cinq fois plus que l’Union européenne (des 15)» (voir «Eclairages», Direction des études économiques du crédit agricole, n° 2, janvier). Les experts pétroliers recensent généralement cinq paramètres principaux pour l’estimation de la demande de pétrole.

1- La croissance économique : plus elle est élevée et plus la demande pétrolière est forte.
2- L’évolution de la part de pétrole dans le mix énergétique.
3- Les changements dans l’efficacité de l’utilisation du pétrole.
4- Les prix du pétrole.
5- Les conditions climatiques. Les estimations d’évolution de la demande pétrolière mondiale indiquent que le pétrole gardera une place prépondérante dans le mix énergétique mondial avec une part qui passerait de 35% en 2005 à seulement 34% en 2030 (chiffres de l’AIE). Ainsi, les spéculations sur le grand retour du charbon, les progrès du solaire et de l’éolien… resteront des prédictions non pas fantaisistes mais de long terme. La demande mondiale de pétrole continuera d’augmenter au moins jusqu’en 2020 et les prévisions convergent vers les chiffres suivants : 86 millions barils/jour en 2007, 92,5 mb/jour en 2010 et 105 mb/jour en 2020. Mais l’incertitude reste grande à cet horizon avertissent les prévisionnistes et les cinq déterminants de la demande qu’on a rappelés sont difficiles à estimer avec précisions.

• Du côté de l’offre : L’incertitude est encore plus grande du côté de l’offre. On sait qu’il y a un grand nombre de projets d’investissements amont dont la mise en service est imminente aussi bien dans les pays Opep que Nopep. L’accroissement annuel des capacités de production pétrolières mondiales est, selon l’AIE, le suivant :

2007

2008

2009

2010

Total Opep

0,8

0,8

1,3

1,5

Total non-Opep

1,1

1,1

1,1

0,6

Total

1,9

2,0

2,4

2,1

Selon l’Opep, les capacités mondiales de production d’hydrocarbures liquides s’établiraient à environ 99 mb/jour en 2010 auxquelles il faut ajouter les capacités résiduelles estimées à 10 mb/j. Question : est-ce que les pays producteurs respecteront leurs plans d’investissement ? Il faut de plus signaler que l’offre mondiale est contrainte par la limite des capacité de raffinage. Cette limite agit aussi, bien sûr, sur la demande de pétrole brut car les raffineries, peu complexes et rapides à construire, consomment beaucoup plus de pétrole brut pour fabriquer une quantité donnée de produits légers (essence, kerozène, gazole) et poussent donc la demande de brut à la hausse. On peut voir ici combien l’équilibre offre-demande de pétrole mondial est précaire et peut basculer facilement d’une situation d’excédant à une situation de pénurie et nous savons que l’incertitude nourrit la spéculation qui elle-même amplifie les oscillations. Il faut aussi mentionner pour compliquer l’exercice les incertitudes sur les risques d’instabilité politique et les menaces de conflits dans les régions de production. Ces risques et ces menaces impactent directement l’offre.

La spéculation impacte la demande, les risques d’instabilité et le conflit impactent l’offre. Ces éléments externes compliquent davantage le travail des prévisionnistes. Ces derniers estiment néanmoins tous que le «risque de connaître un scénario pessimiste de hausse des cours dans un contexte de pénurie semble plus important qu’un scénario optimiste. La demande excédera l’offre et seule une crise économique majeure pourrait affecter la demande pétrolière mondiale au point d’entraîner un effondrement des cours». Ces prédictions sont confirmées par Thierry Desmarest (ancien P-dg de Total) qui écrit : «Les prix du pétrole resteront relativement élevés sur le moyen et long terme.» Ou encore par Nathalie Alazard-Toux, directrice des études économiques de l’institut français du pétrole, qui écrit : «Aujourd’hui, la hausse des prix paraît durable à la majorité des acteurs du marché.»

Ces prédictions sont-elles une bonne ou une mauvaise nouvelle pour l’économie algérienne ? Une bonne nouvelle dans la mesure où un marché pétrolier mondial favorable élargit considérablement la marge de manœuvre de nos policy makers et leur offre des champs d’action très intéressants, notamment dans le domaine des indispensables transformations structurelles à opérer dans l’économie. Une mauvaise nouvelle si, comme l’a rappelé brutalement le président Bouteflika lui-même : «Notre génération a montré son incapacité à réussir l’aventure du développement économique» et a poursuivi qu’il valait mieux laisser aux générations futures un peu de ce pétrole enfoui sous terre.

L’Algérie est bien face au défi du pétrole cher ! Et pourtant ! Faire de l’économie algérienne une économie émergente à l’image du Brésil, de la Russie, de l’Afrique du sud… n’est assurément pas un objectif hors de portée de ces Algériens de plus en plus nombreux à posséder toutes les qualifications requises pour porter le développement de l’Algérie. Il suffit aux dirigeants du pays de comprendre que : «Le talent, c’est d’en trouver aux autres.»

Abdelmadjid Bouzidi

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