Ksar Séghir n’est pas Mers El-Kébir
Le 24 mars dernier le Maroc annonçait au monde le lancement des travaux de construction d’une base navale militaire à Ksar Séghir sur la rive méditerranéenne du royaume, à 40 km à l’est de Tanger. Ksar Séghir, c’est dans le territoire marocain internationalement reconnu et, par conséquent, sous son incontestable souveraineté. Sauf qu’en face, en terre ibérique, la presse est, dit-on, gagnée par l’inquiétude face à une entreprise qui viendrait mettre fin à la solitude de la touristique Rota dans ce joli coin, à l’entrée atlantique de la Méditerranée.
Rabat avait pourtant, dès le début, tenu à préciser que le port de Ksar Séghir était conçu pour servir de base d’attaque à des bâtiments de la marine royale chargée de la protection du nord du Maroc. “Le port constituera la pierre angulaire de la couverture maritime par la marine royale dans le détroit de Gibraltar et la Méditerranée grâce à sa situation stratégique à cheval sur les façades méditerranéenne et atlantique”, affirmait-on en son temps de source marocaine.
Mais, dans le nord du Maroc, on y trouve les îles djaafarines, on y trouve les présides de Ceuta et Melilla comme on y trouve des rochers à histoires. Des lieux enclavés en terre maghrébine, sur le continent africain et qui sont donc autant européens que les territoires sahraouis sont marocains. De quoi s’inquiète l’Espagne ? D’une revendication plus sérieuse, plus soutenue concernant des territoires qui n’appartiennent à aucun des peuples espagnols, puisqu’on n’a jamais entendu l’un d’eux les réclamer.
Des territoires qui devront, un jour ou l’autre, revenir, tout comme le Sahara occidental, à qui de droit. Un tel assainissement est d’ailleurs nécessaire pour une bonne évolution de l’Union pour la Méditerranée, un ensemble souhaité par Sarkozy et qui doit faire l’objet d’un sommet euro-méditerranéen, prévu en France à la veille des festivités du 14 Juillet. La base navale de Ksar Séghir, dont le coût est estimé à 122 millions d’euros, n’a d’ailleurs nullement inquiété le gouvernement français.
Bien au contraire, la France y voit une aubaine puisqu’elle compte refiler au Maroc une frégate multimissions pour la coquette somme de 470 millions d’euros, soit près de quatre fois le prix du port militaire de Ksar Séghir. La France officielle perd, cette fois, moins que dans l’affaire des “vedettes de Cherbourg”. Peut-être même que Paris parviendra à tranquilliser Madrid et à la persuader qu’il s’agit là d’un grand acquis pour le système de défense de l’UPM.
D’autant que certains analystes espagnols n’hésitent pas à parler d’accords pour l’utilisation de Ksar Séghir par la flotte militaire américaine lors de ses activités dans les eaux du Grand-Moyen-Orient. Un type d’accord qui permettrait à la marine américaine une polygamie de luxe puisqu’elle aura des bras accueillants aussi bien à Rota et à Ksar Séghir mais qui viendrait à contre-courant de l’esprit à l’origine de l’UMA. Mais connaissant leur voisinage immédiat, y compris sur leur flanc occidental, les Madrilènes ont-ils vraiment tort de s’inquiéter ? Et les inquiétudes habiteraient-elles la seule Madrid ?
Mohamed Zaâf