Missions hasardeuses
Deux faits s’ingénient à tourmenter la scène algérienne ces derniers jours : l’évangélisation dans le Nord et le terrorisme dans le Sud. Ces deux maux ont une chose en commun : ils alimentent les craintes toujours plus fortes chez nous de les voir servir de cheval de Troie à certaines puissances occidentales pour user à leur convenance de leur bon «droit d’ingérence». Des craintes qu’on vit dans le silence car, jusqu’à présent, il n’y a, hormis l’association du vénérable cheikh Abderrahmane Chibane, que les membres du gouvernement et autres officiels de l’Etat qui réagissent.
La communauté associative et les partis politiques ne semblent pas concernés par des questions que la presse juge, pour sa part, assez importantes pour les loger à la une. Des sujets traités par la presse étrangère et sur lesquels on se prononce à l’étranger, y compris au niveau des services secrets. Ainsi, au moment même où l’Algérie s’attelle à sortir du tunnel sécuritaire qu’elle a mis longtemps à traverser en solo, l’Allemagne se réveille brusquement, emboîte le pas au club des «anciens» et trouve à son tour une inquiétude teutonne à raconter sur «ce qui est en train de se développer dans la région du Maghreb» devenue, paraît-il, «un des piliers du djihad». Si les Allemands parlent de région du Maghreb, les flics français parlent carrément de «fragilité algérienne».
Pense-t-on sérieusement que les Algériens ont régressé au point d’être aujourd’hui plus fragiles qu’en novembre 1954 ? Au moment où Alger retrouve progressivement ses forces, on l’accuse de fragilité et on se rappelle, avec apparemment un malin plaisir, qu’elle n’est pas tellement distante de la «vieille». L’Algérie n’est pas loin et alors ? Faudrait-il la délocaliser parce qu’elle a eu le tort de se voir imposer des brigades de couleur verte plutôt que de couleur rouge ?
Des brigades qui, dans le Proche et le Moyen-Orient dénoncent et s’attaquent aux «croisés» mais qui, chez nous, s’y accommodent merveilleusement puisqu’elles partagent plus de convivialité avec eux qu’avec les populations de culte musulman. Il n’y a que ces populations pour jouer aux «dégâts collatéraux» lorsque le terrorisme fait parler de lui, contrairement aux néochrétiens qui, eux, semblent savourer leur bras de fer avec les pouvoirs publics.
Une autre manière de contribuer à la «fragilité algérienne», n’est-ce pas ? Sinon, comment expliquer cet acharnement à vouloir mettre hors la loi un Etat qui déclare ne vouloir après tout que faire respecter ses lois ? Pourquoi alors les défis et la provocation sachant que personne n’a jamais remis en cause la liberté de culte dans la RADP ? En Algérie, le pouvoir est issu des urnes, il n’a pas été hérité ou usurpé comme on aime à le suggérer à défaut de pouvoir le dire.
Que l’Algérie se fasse prendre en tenailles à l’aide d’un terrorisme et d’une évangélisation bougrement attentifs à la géographie, cela peut-il relever d’une simple coïncidence ? Qu’elle soit fragilisée ou qu’elle soit forte, l’Algérie ne semble pas du tout mûre pour aliéner une souveraineté récupérée au prix fort. Même si ses partis font la carpe !
Mohamed Zaâf