Étrange coïncidence

Nos confrères Belhouchet et Amari viennent d’être condamnés à la prison ferme en appel. Dans un régime judiciaire où le délit de presse n’est pas encore dépénalisé, un procès de journaliste est toujours politique. On peut donc considérer que le ton est donné.
Exactement dans le même esprit qu’il y a cinq ans. En 2003, une année avant l’élection pour le second mandat, s’ouvrait la campagne de répression et de harcèlement judiciaire contre les journaux et les journalistes.

Il y a donc des chances que la campagne ouverte par les procès de Jijel se poursuive. Ce qui confirmera que la répression de la liberté d’expression est constitutive de la stratégie d’accaparement du pouvoir par le régime. À partir de l’été 2003, on assistait à une espèce d’opération de déminage médiatique de la voie qui mène au renouvellement du mandat présidentiel. Plusieurs éditeurs et des dizaines de journalistes furent convoqués, voire arrêtés, quand ils refusaient de s’appliquer la procédure jusque-là inédite de déposition devant la police judiciaire.

Des condamnations à la prison ferme avaient été prononcées au terme de procès qui réunissaient parfois plusieurs journalistes par audience. Certaines de ces sentences furent appliquées. C’est notamment cette année-là que Benchicou devait être accusé de transport de bons de caisse, procès qui devait l’amener à purger une peine de deux ans de prison. L’offensive multiforme devait déboucher sur quelques suspensions “financières” de journaux et sur la disparition du Matin.

La charge punitive se poursuivra jusqu’en mai 2006, quand le président de la République décrétera la grâce des journalistes condamnés pour faits de presse. Depuis, et malgré quelques omissions, la profession connut un répit. Mais l’article 144 bis du Code pénal reste suspendu sur la tête des rédactions. D’arme de destruction massive, comme on l’a vu en 2003-2004, il est devenu arme de dissuasion depuis. Et le revoilà convoqué, cinq ans plus tard ! Étrange coïncidence quand on considère la similitude de contexte politique !

Le pouvoir même s’y être pris à l’avance dans cette volonté de tenir en respect les commentateurs de la scène politique. C’est peut-être qu’en plus de l’échéance électorale, il y a le très prochain préalable de la révision de la Constitution. Tout ce qui peut perturber le programme de la continuité politique devrait probablement s’attendre à subir la répression préventive préélectorale. En un mot, tout ce qui, sur la scène publique, s’exprime dans un autre registre que celui de la relance du régime. Les partis politiques qui encouragent “l’ingérence” comme les syndicalistes qui s’adonnent à des manipulations qui “profitent à des clans”.

Prémonitoire que cette déclaration faite par Sarah Whitson, directrice exécutive à Human Rights Watch, après la libération du directeur du Matin, en 2006 : “Tant que les autorités n’abrogeront pas les lois répressives en matière de diffamation, il est peu probable qu’il soit le dernier à avoir été en prison.”

La condamnation de nos collègues d’El Watan constitue donc une menace pour l’avenir immédiat de la fonction d’information. Tant qu’un système perdure, son pire est toujours à venir.

Mustapha Hammouche

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