Pardonnez ma naïveté socioprofessionnelle

Etant un « plus que curieux », j’ai voulu connaître les orientations majeures de mes étudiants. En effet, je leur ai posé ces principales questions :

1. Avez-vous accès à Internet ?

2. Lisez-vous les journaux ?

3. Achetez-vous des journaux ?

4. Regardez-vous les informations sur télévision ?

Confusion. On se regardait pour détecter semblait-il une surprise. La surprise aurait été la présence de quelqu’un possédant accès à Internet.

Pourquoi notre enseignant nous demande-t-il ceci ? Durent-ils se dire.

C’était hors leçon. Une grogne commença. Des chuchotements et murmures.

Je demandai silence et les priai de répondre. La réponse fut collective, comme toujours d’ailleurs tant mes étudiants étaient imprégnés durant leurs études lycéennes d’un esprit désordonné et inorganisé. Je leur demandai de lever la main dans ce cas là et répondre. Ils pouvaient bien répondre sans pour autant lever la main ou encore plus sans rétorquer ensemble. Bonne chose est : dès qu’on les indexe ils se ressaisissent. Une preuve qu’ils sont disponibles au changement positif.

Un par un, ils me donnèrent leurs réponses. Quatre groupes d’une vingtaine d’étudiants personne n’était connecté chez lui. Rares sont ceux qui lisent les journaux. Il n’y avait qu’un seul étudiant qui me brandit son journal. Tout le monde regarde les informations mais à la maison pas à la cité universitaire.

La discussion cependant s’est centrée beaucoup plus sur le surf sur la toile.

Chose étonnante, certains d’eux, mais surtout certaines, ne se sont jamais connecté de leur vie. Leur moyenne d’âge est d’environ 18 à 20 ans. Ne pas connaître Internet est une forme d’illettrisme, diriez-vous, surtout à cet âge-là. A qui est la faute alors ? Aux parents qui n’arrivent même pas, faute de leurs salaires, à assurer à leurs enfants une vie décente durant laquelle il se permettront un toit, une goutte d’eau, une goutte de lait ( chose rare ces jours-ci), une miette de pain, et toute chose élémentaire ? Aux étudiants qui habitent des cités-taudis où règnent l’insécurité et la sous-alimentation ? Ne parlons pas de leurs maigre et dérisoire bourse-insulte qui ne suffit même pas à acheter de bonnes chaussures ! Oui, comble de la farce, ils n’ont pas le choix, ils achètent des habits avec leur bourse. Arriveront-ils à s’assurer des livres, du moins pour leurs recherches, et des connections web avec cette maudite somme ?

Naïf que j’étais !

« On est sorti dehors, aux quartiers voisins, à la recherche d’une goutte d’eau à boire, me dit une étudiante en rire.

La misère ne nous étonne plus. Elle nous fait rire. Ils devaient se dire : mais il est parti loin ce prof ! Il nous parle d’Internet nous qui ne trouvons même pas une goutte d’eau à boire dans nos cités où nous risquons agression, lynchage, ou viol, par même des agents de sécurité ? Il est dans une autre planète notre prof.

Je me suis ravisé. Désappointé et désenchanté de moi-même, j’ai repris le cours. J’ai pensé au système LMD que quelques étudiants ont fui jusqu’ici. Aux responsables. A l’Université sinistrée. A la situation socio pédagogique, psychopédagogique, et politique.

Mais comment osai-je poser de telles questions ?

Noufèl

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