A quoi ça tient ?
Régulièrement, on invoque l’existence de dossiers compromettants. Qu’est-ce qu’un dossier ? C’est une somme d’informations plus ou moins sensibles posées sur du papier, enfermées dans une chemise plus ou moins cartonnée. Qui a des dossiers ? Tout le monde. Le DRS a des dossiers, Soltani a des dossiers, le coiffeur de Hydra a des dossiers.
Sauf que ces dossiers ne sont pas faits pour être diffusés, mais pour se protéger. Ce sport national, qui consiste à se promener sur l’échiquier politique avec une armoire pleine de dossiers sur le dos pour ne pas se faire tirer dessus, est donc surtout une activité orale. Le Président lui-même a appelé à ce qu’on lui présente des dossiers, ce que personne n’a fait. Mais il y en a au moins un, celui que Benyoucef Mellouk a remis à la justice concernant les magistrats et autres personnalités qui ont usurpé le titre de moudjahid alors qu’ils n’étaient que des supplétifs de la France coloniale.
Pour toute réponse, la justice a condamné Mellouk à 4 mois de prison ferme. Il y a donc un dossier qui est entre les mains de l’Etat, et le Président peut le consulter en bipant son ministre de la Justice. Que va-t-il en faire ? Rien, comme les autres. Ce dossier servira à asseoir son influence et à faire peur.
D’ailleurs, au sommet du pouvoir, chacun a un dossier sur les autres et tout le monde se tient par des dossiers croisés, créant une unité homogène de délinquants en costumes où le premier qui tombe fait tomber tous les autres. C’est connu, pour grimper dans la hiérarchie, il faut être objet d’un dossier, c’est-à-dire avoir une tache dans son parcours qui permettra d’instaurer la confiance sur le mode « tu bouges je parle ».
Personne ne bouge, chacun observant le silence en mangeant son assiette. D’ailleurs, rien ne bouge, tout court parce que tout le monde se surveille et se tient. Pour le reste de la population, c’est intenable.
Chawki Amari