Torturer l’histoire

Les habitants de Aïn D’heb, dans la région de Sétif, se sont réveillés lestés d’une histoire «allemande » dans laquelle ils jouent le rôle peu honorable d’une population élevant un ancien nazi au rang de cheikh vénéré et de maire. Ils sont devenus le village de l’Allemand, le lieu du dénouement géographique d’une guerre de libération qui n’a pas hésité à accepter, dans ses rangs, un SS et la preuve, par la vénération, que le nazi ne se retrouvait pas dans cette lutte par hasard.

Car Sensal n’a pas fini de parler de son point de départ qu’il dérive vers un point d’arrivée : l’antisémitisme foncier des Algériens, leur refus d’enseigner l’horreur de la Shoah à leurs écoliers et de se prononcer clairement sur cette affaire. Le nazi algérien mourra dans un massacre perpétré par les terroristes. Dans ses déclarations, le roman devient vite le «détour» littéraire entre deux réalités : celle du village subjugué par le nazi libérateur et une Algérie antisémite. Par cette opération, le roman devient, à son tour et en sous-main, ce qui éclaire la réalité.

La fiction romanesque n’est pas que du roman mais une clé d’un réel qu’il faut oser dire. On m’objectera que le romancier est libre d’écrire ce qu’il veut comme il veut y compris en torturant l’histoire pour faire de notre guerre de Libération une histoire de nazillons racistes et antisémites.

Oui, de mon point de vue aussi, il a le droit de faire cela, quitte à ce que chacun exerce son droit de critique. Mais torturer l’histoire pour lui faire dire ce qu’on veut peut conduire à des contresens et des injustices graves. Car oui, dans la région de Aïn D’heb arrive le personnage suivant : «Devenu commis, il jouit de l’estime de ses patrons qui l’envoient en Algérie superviser certaines activités de la Compagnie genevoise des colonies de Sétif. … ses employeurs lui confient les fonctions d’agent recruteur en Suisse romande… il doit pousser des agriculteurs vaudois… à s’établir dans des lotissements que la Compagnie genevoise a équipés, …séduit par le pays, le bouillant employé veut voler de ses propres ailes.

En 1855, il se fait attribuer 77 000 m2 en concession : cela signifie qu’il a la charge de mettre ce lot en valeur, en l’irriguant, en le cultivant, en y construisant une ferme. Avec intuition, il a choisi une vallée riante, l’oued D’heb, au milieu d’immenses terres à blé. La région manque de moulins.

Facile ! Sans attendre l’autorisation formelle, Dunant en bâtit un. L’entreprise prospère. Pour preuve, en 1857 déjà, il anime la fondation de la Société des moulins de Mons-Djémila, au capital de 500 000 francs, somme considérable pour l’époque. Il se débrouille même pour vendre à cette société, qu’il préside, la concession et le moulin de l’oued D’heb (source Google). Cet homme, un Suisse calviniste, né à Genève, s’appelle Henri Dunant. Il sera le fondateur de la Croix-Rouge.

MOHAMED BOUHAMIDI

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