La tragédie palestinienne et nous
Il faut s’émouvoir de la situation des Palestiniens de Gaza. Même si l’on fait rien d’autre que s’émouvoir. S’il ne s’agissait que d’exprimer notre émoi devant la tragédie politique et humanitaire des Palestiniens, en général, et des Gazaouites, en particulier, ce serait bien trop facile et “cela ne réglerait pas le problème du Moyen-Orient”, comme dit la formule passée au statut d’adage populaire.
Car, en effet, il est établi qu’Israël ne s’embarrasse point d’état d’âme quand il s’agit de réprimer les attaques contre ses villes frontalières avec Gaza ou quand il s’agit d’étendre ses colonies en Cis-Jordanie. Ni les droits de l’Homme ni la survie des populations ne peuvent faire obstacle à ses impitoyables blocus. Quelle stratégie opposer donc à ces méthodes implacables par lesquelles l’État hébreu poursuit sa colonisation et tient en respect toute révolte populaire ? Et qui est en charge d’organiser cette résistance ? Pour l’heure, on sait que nous sommes tous, “frères arabes et musulmans”, tenus de nous émouvoir, mais nous ne sommes pas convenus de qui d’entre nous sont prêts à participer au sacrifice qu’appellent l’urgence et la gravité du péril sioniste. Et de quelle manière et jusqu’à quel point.
Il faut s’émouvoir de la situation des Palestiniens de Gaza. Même si, pendant qu’on s’émeut, la Syrie organise dans sa capitale une réunion putschiste des organisations islamistes contre l’OLP et l’autorité de Mahmoud Abbas.
Depuis un certain temps, notre attention toute entière tournée vers le supplice infligé par Israël aux populations de Gaza nous fait oublier que l’islamisme s’emploie à liquider la question démocratique en Palestine.
La question palestinienne est une aubaine tactique pour l’intégrisme. Déjà, chez nous, des activistes de mouvements islamistes, connus pour avoir l’opportunisme de l’hyène et pour proliférer dans le malheur, arborent le keffieh en signe de soutien et pour mieux se compter.
Liquider la question démocratique en Palestine, dans le contexte actuel hostile aux méthodes islamistes, c’est participer à liquider la question palestinienne, sinon, tout au moins, à l’enliser. Oublier que le pouvoir actuel de Gaza est issu d’un coup d’État contre l’autorité centrale et légitime, c’est accepter le démembrement fatal du combat national palestinien.
Quels Palestiniens soutenir donc ? Ceux qu’on a accompagnés à Indianapolis ou ceux qui se réunissent à Damas ?
Il faut s’émouvoir de la situation des Palestiniens de Gaza. Même si cela consiste, pour nos États “islamiques” et “arabes”, à demander une fois de plus la réunion inutile du Conseil de sécurité ou de la Commission des droits de l’Homme. Est-ce un combat de continuer à enrichir le palmarès palestinien de résolutions inappliquées quand le veto américain n’en fait pas des décisions mort-nées ?
La brutalité d’Israël et la souffrance de ses victimes, parce qu’elles commandent notre solidarité, nous obligeraient-elles à soutenir l’entité générique des Palestiniens et à fermer les yeux sur les agissements politiciens et “géopoliticiens”, d’un autre côté, qui l’assaillent aussi ?
Mustapha Hammouche