Le point de bascule

Benbouzid a dû avoir quelque satisfaction à apprendre que des lycéens d’Alger ont repris les cours hier mercredi et qu’ils comptent se rendre en classe aujourd’hui, jeudi. Sa satisfaction serait moindre s’il savait qu’ils ont pris au pied de la lettre l’information qui a circulé parmi eux d’une grande réunion, aujourd’hui, pour décider du sort de la grève même si, dans leur tête, il est entendu que la grève nationale et générale doit être décrétée pour samedi avec le mot d’ordre de rassemblements massifs à Alger.

Entre-temps, des lycéens affirment avoir appris que les autorités auraient permis à la police de «tabasser». Ce qui a déjà eu lieu en quelques endroits mais n’a pas été général. Cette «reprise» partielle des cours indique que le mouvement lycéen est arrivé au «point de bascule». Ou il s’essouffle et tombe dans certains travers, déjà signalés par la presse comme celui de crier des slogans favorables à un club de football, ou il trouve dans la réunion d’aujourd’hui son premier cadre organique, sa première direction non-spontanée et il va gagner en force, en durée et surtout en «langage» politique.

La lettre adressée au président de la République en est un signe évident : ils estiment, déjà, que le ministre n’est plus en qualification ou en «compétence » comme il aime à le dire au sujet des nouveaux programmes. La preuve que leur mouvement était «apolitique» est cette longue semaine de grève pendant laquelle ils ont attendu une réponse du ministère, une réponse technique. En s’adressant au premier magistrat, ils «politisent » spontanément l’affaire et sans arrière-pensée aucune.

L’absence de réponse, la longueur de la durée de la grève puis les menaces de sanctions les ont poussés, petit à petit, à penser qu’il ne s’agit plus d’une simple affaire de programme scolaire mais d’une affaire de programme politique. Car, avec un peu d’entendement, l’affaire aurait pu s’arrêter très vite : des décisions urgentes mettant hors circuit les matières non essentielles pour la poursuite de leurs études universitaires, la baisse des coefficients d’autres matières secondaires puis l’étude sérieuse de ce qui peut être allégé dans ces programmes démentiels.

La grève serait restée dans ses strictes dimensions pédagogiques même si elle posait au ministère l’équation difficile de proroger ces mesures pour l’année prochaine car le ministère sait, bien sûr que le programme de 42 semaines ne peut être enseigné en 2009 pas plus qu’en 2008. Le ministère se bat pour ne pas avouer si vite un travail de réforme aussi mal fait. D’une simple question pédagogique, l’entêtement du ministère est en train de faire une question politique.

Mais si les lycéens, au lieu de s’essouffler, passent à la vitesse supérieure avec un minimum d’organisation, ils vont poser des questions autrement plus graves et plus sérieuses : quelle école voulonsnous (pas l’école qu’«ils» veulent) et qui est le cœur battant de savoir quelle société veut aujourd’hui la jeunesse ? Le point de bascule est la seule capacité ou non des lycéens à défendre leurs rêves de vie. Réponse à partir de samedi.

MOHAMED BOUHAMIDI

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