LA DÉPENDANCE ALIMENTAIRE : UNE VÉRITABLE MENACE POUR L’ALGÉRIE
Les prix mondiaux des denrées alimentaires augmentent (blé, lait, sucre, huile) et c’est presque la panique à Alger ! On a peine à imaginer le désarroi alimentaire des Algériens si l’offre mondiale de ces produits venait à baisser sérieusement, ou pire, si nous faisions l’objet, pour une raison ou une autre, d’un embargo alimentaire. Qui a dit qu’on était souverain.
Nous intitulions une de nos précédentes chroniques (voir Le Soir d’Algérie du 13/04/2007) «Le risque alimentaire est sérieux». Et voilà qu’aujourd’hui, toute l’Algérie est à l’écoute des «bruissements » de prix de notre alimentation ! L’ensemble des spécialistes des questions agricoles sont unanimes à reconnaître que l’Algérie accuse un retard considérable dans le traitement approprié de sa question agricole et qu’elle est au moins en déficit d’une révolution agricole (recherche agronomique, semences sélectionnées, mécanisation adéquate, fertilisation…) faiblement dotée en terres cultivables (plus faiblement encore que le Maroc et la Tunisie), l’agriculture algérienne subit en plus des pertes de terres régulièrement pour fait d’érosion.
La mise en valeur qui aurait pu minimiser les dégâts est absente. Outre ce sombre tableau, les détournements agricoles au profit du béton. Le professeur Aït Amara rappelait, il y a quelque temps, que sur une échelle de 0 à9 de classement des pays pouvant nourrir leurs populations avec leurs propres terres, l’Algérie est classée au 7e rang !! Nous pouvons souligner, sans grand risque de nous tromper, que s’il y a un domaine où les «policy makers» algériens se sont le plus lourdement trompés, c’est bien celui de l’agriculture. Aujourd’hui encore, le fameux PNDA (ou PNDRA) est mis à nu par la crise du pouvoir d’achat… alimentaire que vivent les Algériens.
Ce programme coûteux et lancé à «grand tapage médiatique» affichait clairement deux objectifs qu’il considérait comme stratégiques. 1) Améliorer la balance agricole du pays : c’està- dire orienter la production agricole vers l’exportation (rappelons-nous les déclarations du type : «L’accord d’association avec l’Union européenne ne nous fait pas peur : nos produits agricoles sont compétitifs et ont leur part de marché européen ?!» Ou bien encore : «Nous serons compétitifs dans l’agriculture bio» et encore : «Nous pouvons gagner la bataille des productions précoces, des primeurs…. » 2) Le second objectif recherché par le PNDA est celui qui visait à améliorer le revenu des paysans, c’est-à-dire à inciter ceux-ci à aller vers les spéculations marchandes les plus rentables, les plus chères sur le marché.
Ces deux objectifs ne pouvaient être atteints que par une nouvelle occupation des sols qui, bien évidemment, sacrifiait totalement l’objectif stratégique de sécurité alimentaire (sans, bien sûr, garantir aucunement l’équilibre de la balance agricole et «l’explosion» attendue de nos exportations agricoles). Alors, bien évidemment, les déficits de plus en plus importants en céréales, sucre, lait, et… pommes de terre (!) se paient cher et se paieront de plus en plus cher.
Comment apprécier, par exemple, cette solution affichée aujourd’hui qui consiste à importer massivement des vaches laitières alors qu’au même moment on encourage la production de pommes, de poires, et de maraîchages primeurs ? Où sont les fourrages pour nourrir tout ce bétail ? Où sont les terres à y consacrer ? Ou bien alors, faut-il rétrécir encore plus celles où pousse le blé ? Et l’ensemble des producteurs de lait algériens vous confirmeront les prix de plus en plus élevés des aliments du bétail, entièrement importés. La facture alimentaire de l’Algérie a été de 3,6 milliards de dollars en 2007 (prévision de clôture compte non tenu des importations d’in-put nécessaire à la production agricole).
Cette facture était de 3 milliards en 2002, 2,5 milliards de dollars dans les années 1990 et seulement de 1 milliard de dollars dans les années 1970. Bien évidemment, cette facture est entièrement payée par les hydrocarbures et Bouteflika ne croyait pas si bien dire lorsqu’il vilipendait les Algériens qui «boivent leur pétrole et mangent leur gaz !» Et l’avenir alimentaire de l’Algérie risque d’être plus sombre encore dans le futur quand on sait que l’agriculture mondiale fait de plus en plus face à trois objectifs concurrents :
1- assurer l’alimentation
2- produire des carburants
3- préserver la biodiversité
Lorsqu’on ajoute à ces contraintes celle du changement climatique qui, à long terme, se traduira par des périodes de sécheresse de plus en plus longues en Afrique… !
Abdelmadjid Bouzidi