L’innocence des confusions
Le rapport au terrorisme n’est pas condamné à la confusion. Pourtant tout le langage «innocent » que nous développons spontanément autour de lui reste la principale source de confusion. Le langage du pouvoir aussi et surtout.
Je vous livre tel quel ce long passage d’un lecteur sur l’usage du mot innocent quand il s’agit de parler des victimes : «J’ai failli en arriver aux mains ce week-end avec un vieil ami pourtant si sage et libraire de son état. La raison me diriez-vous ? Elle est si simple. Il reprend cette affreuse et innommable litanie, inconsciemment j’en suis persuadé : les récents attentats d’Alger n’ont fait que tuer des innocents.
Rentré dans une colère noire, je réplique alors : mais vois-tu toi des gens qui méritent de mourir sous les bombes des assassins ? Donc on admet qu’il y a des gens qui le méritent et qui ne sont pas innocents. Dans ce cas le policier, le militaire, le gendarme ou le garde communal, voire les ministres et autres cadres sont la cible toute désignée.
N’est-ce pas ce genre de raisonnement qui a fait qu’Al Qaïda compte rectifier le tir (au sens propre et figuré) et choisir désormais des victimes bien ciblées et qui ne seraient pas innocentes pour faire plaisir aux promoteurs de cet amalgame ? Mais à lire tous les journaux, à écouter des spécialiste de «la chose», y compris notre DGSN ( Le Soir d’aujourd’hui) on reste sans voix devant l’ampleur des dégâts et le manque de rigueur à tous les niveaux quant à l’usage, sans distinction, d’une certaine terminologie parfois à dessein.
Quand bien même il y aurait, ya sidi, des gens qui méritent d’être châtiés, reviendrait-il aux sbires du GSPC, Al Qaïda ou autres de prononcer et d’exécuter la sentence ? N’y a-t-il point de justice dans ce pays ? Et avec tout ça on organise des tables rondes à “l’Unique”, on pérore à longueur d’onde sur le dérapage inqualifiable de la chaîne qatarie.
Le mal est en nous et malheureusement trop enraciné et on n’a à s’en prendre qu’à nous-mêmes». Simple et sans ambages ! Il n’existe pas de victimes innocentes et de victimes «coupables». Cet usage irresponsable de l’expression «victimes innocentes» a quasiment tué dans notre inconscient collectif l’émotion quand meurent gendarmes, policiers et soldats dans des embuscades ou lors d’opérations.
Alors, c’est bien que, de la société, monte ce cri d’indignation et montre, avec tant de clarté, comment pouvoir, journalistes et simples citoyens peuvent servir les buts des terroristes quand ils croient «innocemment» les dénoncer. Moi, non plus, je n’avais pas distingué. Merci, vraiment merci à l’auteur du texte.
MOHAMED BOUHAMIDI