Le grand embouteillage

Les images d’apocalypse commencent toujours comme ça. Plus personne ne s’occupe de l’autre et ceux qui sont censés s’occuper de tout le monde commencent à abandonner le terrain. La panique générale s’installe alors et chacun se résigne au sauve-qui-peut. Par des réflexes de survie dictés par le bon sens, souvent, et par le geste dérisoire, parfois. Il n’y a pas plus dangereux que quelqu’un qui a peur, et la peur a pris Alger à la gorge.

On tente n’importe quoi sans vraiment en mesurer les conséquences. L’élan de solidarité peut épouser les contours de danger public et le geste dérisoire se faire apprécier comme planche de salut. Alger en ce dimanche soir fait du pare-choc contre pare-choc à des heures indues parce qu’habituellement clémentes. Des regards se croisent à travers les vitres pour partager une angoisse inattendue. L’échange de propos est rare, mais unanime à évacuer la responsabilité du ciel.

Il n’y est quand même pas pour grand-chose pour une fois. Il ne l’a peut-être jamais été. Ni dans nos drames passés ni dans nos peurs présentes. Seulement, il semble qu’on l’a définitivement compris. Depuis Bab El Oued, désormais repère de la négligence criminelle, on sait d’où vient le vent de la mort stupide. On sait que le ciel n’est pas si généreux au-dessus de nos têtes pour nous pousser à la résignation. Quelques gouttes automnales ont suffi pour que l’enfer soit de retour.

Qu’est-ce qui a été fait depuis la fin du monde tombée sur Triolet ? Quelques replâtrages pour contenir la colère, en attendant une autre tragédie. Et elle a sonné dimanche soir aux portes de la Pointe Pescade et de Bouzaréah. Y a-t-il de petites tragédies quand le ciel n’y est pour rien ? Non. Les images d’apocalypse ont commencé pour moi dimanche soir à Chéraga. “ Le grand embouteillage ” en ciné-réalité, l’imagination de Comencini, la vista de Mastroianni et le charme de Miou Miou en moins.

Seule l’angoisse de ne jamais arriver a été empruntée au chef-d’œuvre italien. La route est abandonnée par des agents de l’ordre dépassés et en proie à leur propre panique. Concert de klaxons inutiles et demi-tours impossibles, crises de nerfs vite ravalées dans la compassion du destin commun. Une femme pleure au téléphone, les bras et la tête réunis dans une posture d’impuissance sur le volent de son véhicule. Comment, bon Dieu, rejoindre Ain Bénian ?

On tente des raccourcis qui n’existent que dans l’imagination fertilisée par la peur et des déviations d’avance vouées à l’impasse. Le plus dur est à venir. Une centaine de mètres avant les Dunes la nouvelle est tombée : le pont de oued Beni Messous s’est effondré. Le bouquet. Les voitures prennent tout à gauche pour rejoindre l’autoroute ou continuer vers Staouéli. Avant de tourner, beaucoup de passagers ont été laissés sur le carreau. Ils ne leur reste que leurs pieds pour rallier Guyot Ville.

Un téméraire tente le diable en engageant son fourgon à travers champs. Tel un extraterrestre, quelqu’un était là, en train de vendre ses galettes à partir de la malle ouverte de sa 4L. Le pont s’est affaissé comme un biscuit gauchement arraché à son emballage. Il a été construit juste après les inondations de…Bab El Oued.

A côté, un autre pont, construit en 1879, est toujours debout. La grande marche peut commencer.Tel un troupeau en transhumance, on s’en va les pieds dans la boue et les yeux suppliant le ciel de rester tranquille. Dans les entrailles de Ain Bénian, la campagne électorale bat son plein.

Slimane Laouari

Du coq à l’âne : Belkhadem a parlé de Khalida : “ en tant que ministre, nous n’avons rien à lui reprocher. Mais sur le plan de la pensée, nous sommes différents. ” Pas seulement de la pensée ya Si Abdelaziz. Elle est belle Khalida.

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