Le savez-vous ? (Rediffusion)
Que penser de la chose ? Y a-t-il crise politique dans notre pays ? Sommes-nous plutôt dans une impasse ? Quelle est la différence entre ces notions ? Je n’en sais trop rien. Je n’ai aucune certitude. J’entends autour de moi des débats et, à tous les coups, revient la même question, lancinante et, à mon avis, trompeuse : «Ils» ne voient pas la situation de l’Algérie ? C’est la catastrophe ! Non, «ils» ne voient pas ! Nous n’avons même plus besoin de définir ce «ils».
Selon le sujet, il s’agit du «ils» désignant tout le pouvoir, du «ils» désignant la haute hiérarchie militaire, du «ils» désignant un clan du pouvoir, etc. C’est automatique, le sens du mot est immédiatement saisi. Je ne suis pas linguiste et je serais ravi de lire une analyse, une explication sur cette instantanéité. Que signifie-t-elle ? L’élaboration souterraine d’un langage approprié à l’opacité de ce pouvoir, à la construction d’éléments de rupture dans l’identité (le «ils» ce n’est pas nous) signifie-t-elle autre chose ?
Non, ça va ! Je devine votre sourire moqueur ! Vous demandez qu’est-ce que j’ai à demander à la linguistique de m’éclairer sur la politique et que si, pas impossible, «ils» lisaient cette chronique, «ils» riraient pendant des heures. Il existe des Algériens assez farfelus pour s’attaquer au régime, au pouvoir via la linguistique ? Arrêtez de vous moquer de moi ! Vous savez que je ne crois pas que le danger pour le pouvoir vienne de la linguistique ou de la science en général.
Mais la linguistique peut me dire comment vient le danger, comment vient ma transformation et elle me permet de juger si une transformation se génère et de la jauger. A côté de ce «comment», d’autres disciplines peuvent me dire d’où elles viennent et pourquoi elles viennent ?
Et il serait peut-être temps que nos partis d’opposition coupent avec les vieilles façons de faire de la politique en appelant des experts à les éclairer sur des questions si complexes derrière leurs apparences simples. Je ne leur demande pas de créer des centres d’observation et d’études mais qu’ils nous montrent, au moins que, sur ce point, ils sont différents du pouvoir. Et que nous ayons enfin des réponses non lapidaires à notre question : le pouvoir est-il en crise ?
MOHAMED BOUHAMIDI