Le prêt-à-porter de la foi
Construire une mosquée relève de l’intimité profonde que nous mettons dans notre relation à Dieu. Partout, dans les quartiers ou les villages, depuis des siècles, nos ancêtres se réunissent autour de leur lieu de culte pour en faire le reflet de leur spiritualité, de leur sens du sacré, de leur sincérité religieuse. Depuis toujours, les autres hommes aussi, d’ailleurs, pensent leur lieu de culte avant de l’édifier.
Ils le pensent dans leur foi, dans leur tête, dans leur cœur pour essayer d’en faire le meilleur message de leur croyance et ils s’y mettent tous : architectes, maçons, ébénistes, plâtriers, céramistes, calligraphes, ciseleurs, lustriers, tapissiers… Et il en est ainsi de la petite mosquée de votre village ou de celle des Ommeyades. Le principe et les mécanismes sont les mêmes. Nous cherchons en nous les formes les plus appropriées et les plus belles pour dire notre adoration de Dieu, pour chercher et trouver le ou les chemins de notre spiritualité, pour découvrir les expressions les plus achevées de notre compréhension du Message.
C’est cela qui donne aux lieux de culte leur atmosphère spécifique, leur identification immédiate. Et c’est une des voies de l’adoration. Le mystique en abandon du monde ne fait pas autre chose que chercher en soi les voies qui le mènent à une authentique adoration de Dieu. Dans le faste ou dans le dénuement volontaire, ce qui compte c’est ce que nous mettons de nous-mêmes. Et tous ces artisans cités plus haut mettent autant d’eux-mêmes que ceux qui ont mis de leur argent, de leurs biens, de leur force de travail, de leur temps.
En discutant leur projet, ils mettent en synergie un sens partagé du sacré et de la transcendance. Chose que personne ne peut acheter même à coups de milliards de dollars. Demander aux autres de penser à notre place la mise en plans, en espaces, en volumes, en lumières, de notre adoration, c’est acheter la spiritualité des autres. Il n’existe pas de prêt-à-porter de la foi, encore moins de prêt-à-porter de la spiritualité.
Ce sont des domaines que le libéralisme a bien essayé de «marchandiser ». Ce sont des domaines où les évangélistes ont bien essayé d’introduire la méthode du supermarché en proposant à leurs convertis de se servir, selon leurs besoins, dans les rayonnages de la religion. Nous ne savons plus rien faire : ni notre farine, ni nos maisons. Nous importons tout. Y compris cela ?
MOHAMED BOUHAMIDI