Entre livre et lecture publique (5 et fin)

Les pouvoirs publics ne mèneront aucune politique de promotion de la lecture publique. Il aurait fallu pour cela qu’ils aient une grande ambition pour l’Algérie, un grand sens de la justice sociale pour corriger les inégalités sociales et culturelles, maintenir le souffle populaire de la guerre d’indépendance, laisser au peuple algérien le mérite de la victoire anti-coloniale.

Ou il aurait fallu alors avoir une grande idée de l’Algérie, une grande ambition de notre nation même sans les engagements populaires des premières années de l’indépendance avec l’autogestion et une option socialiste bancale mais porteuses des espérances les plus profondes d’un peuple qui a libéré le pays pour un autre destin que le pouvoir sans partage de quelques castes de l’import-import. On nous bricolera bien des moments comme l’année arabe passée sur la tête de nos jeunes qui n’en sauront pas plus sur May Ziada, sur Khalil Djebran, sur les textes d’El Kaïs ou ceux d’Ibn Rochd.

On nous bricolera des salons du livre qui auront perdu de vue les objectifs initiaux de leur conception et qui couvriront d’un voile arachnéen la pauvreté indigne du réseau des librairies pour lesquelles aucune mesure incitative n’est annoncée. L’absence de projet national limitera forcément ce salon à des buts subalternes et le livrera à une gestion sans envergure et sans les attendus élémentaires de la gestion d’une question culturelle.

Comme par exemple cette initiative de choisir le Liban comme invité d’honneur. Le choix politique d’un invité d’honneur commande que le salon soit placé sous les couleurs du pays, que les plus hautes autorités de ce pays ouvrent le salon, que le public découvre, à travers d’innombrables activités, les visages et les facettes de la culture de ce pays. Inviter un pays ne répond pas à un effet d’annonce mais à un contenu et des formes protocolaires. Pas un seul drapeau ne rappelle aux visiteurs que le Liban est l’invité d’honneur. Ce n’est pas sans lien avec les problèmes politiques liés à la question de la lecture publique.

Toutes les actions, toutes les activités du pays sont vidées de ces contenus pour être ravalées au rang de justifications propagandistes. La lecture et la culture ont besoin d’un autre niveau intellectuel et d’un autre engagement que ceux de nos dirigeants. Et ils nous l’ont bien prouvé en inaugurant ce salon par un acte de censure, par l’interdiction du livre de Mohamed Benchicou.

Et pendant longtemps planera sur nos éditeurs impavides le doute que l’argent de l’année arabe a été pour quelque chose dans leur absence de réaction. Allez, ne faites pas trop cas de ces avanies culturelles, nous avons connu pire. Offrez un livre à vos enfants et lisez avec eux. Il leur restera au moins le souvenir d’un moment merveilleux passé avec vous dans l’échange intellectuel.

MOHAMED BOUHAMIDI

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