Qui sait quoi ?

La justice algérienne ne sait pas que Hattab s’est rendu. Mais l’opinion algérienne est réputée être au courant de cette reddition. L’opinion internationale aussi. Le ministre d’État chargé de l’Intérieur et des Collectivités locales était en mission d’État à Paris quand il l’a annoncé.

C’est comme s’il ne s’agissait pas du même État. Comme s’il n’y avait d’État, au sens d’une entité homogène dont l’expression ne dépendrait pas de l’émetteur.

Le poids des institutions est proportionnel au poids politique de leurs responsables. Et les messages valent ce que pèsent ces responsables, en termes de rapport au pouvoir.

Il y a quelques jours, le ministre des Transports répondait aux journalistes que le nom du prochain directeur général d’Air Algérie leur sera communiqué quand il sera désigné. Mais que peut-il dire de plus, lui qui n’en sait pas plus que nous sur l’heureux “élu” ? Que peut faire le ministre du Travail d’autre qu’attendre d’apprendre qui remplacera le directeur général de la Cnas élu à l’Assemblée nationale ? Cette passive attitude où les dirigeants subissent les décisions.

C’est même le prix de leur statut, du haut duquel ils imposent la même passivité aux responsables soumis à leur tutelle. Dans ce système, l’association à la décision et le niveau d’information sont sans relation avec la position hiérarchique ; ils ont un cheminement sinueux, extra-institutionnel, et dépendent du rapport personnel au décideur.

La chaîne de commandement et de communication n’a rien à voir avec la structure ordonnée et graduée de l’État théorique, constitutionnelle. Elle reflète plutôt les liens de confiance, d’obédience et de solidarité entre les personnes et les clans dans le système qui ne sont, d’ailleurs pas obligés d’être dans les institutions pour participer à l’exercice du pouvoir.

Le dérèglement est aussi vieux que les organisations humaines. Et en termes de management, il y a primat du réseau informel sur la structure formelle. Sauf que ce qui est perçu comme une pathologie par la science de gestion, constitue, dans le modèle algérien, un choix de mode de gouvernance, conçu pour exclure ceux qui, parce qu’ils ne partagent pas les valeurs du système ou ne font partie des familles de pouvoir, c’est-à-dire l’immense majorité de la population, sont indignes de partager ses véritables intentions.
Ceci explique le culte national du secret et le discours énigmatique que les responsables opposent invariablement aux questions de la société : on le saura “le moment venu”. En fait, une fois devant le fait accompli.

Qui peut, aujourd’hui, nous dire ce qu’il en est des projets de réforme de la Constitution, de révision des codes communal et de la wilaya ou de ce qui sera effectivement privatisé et de ce qui ne le sera pas ? Ceux qui pourraient le dire ne le savent pas et ceux qui le savent ne peuvent pas le dire. Même les partis, ceux dont la vocation est de nous y préparer.

Eux, comme tout le monde, cherchent des réponses dans le support le plus riche en nouvelle : la rumeur. La rumeur qui est le prolongement naturel du système de communication informel, celui que le système a choisi pour contourner la répartition de prérogative et l’équilibre des pouvoirs figuré par la Constitution.

Mustapha Hammouche

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