Entre livre et lecture publique (3)

Ce fétichisme du livre n’est pas la tare du seul pouvoir. Il atteint l’ensemble de la société y compris ses élites et certainement plus les élites que les simples gens puisque le livre appartient à leur domaine réservé, celui de la culture et des savoirs. C’est ce fétichisme généralisé qui aveugle littéralement les différents intervenants de ce domaine les focalisant sur l’objet en soi et occultant la seule et essentielle pratique de la lecture. Un chiffe, un seul : les éditeurs déplorent que, pour le roman ou le recueil de poésie, les ventes dépassent rarement les 1000 exemplaires.

Les livres d’histoire se vendent mieux, entre cinq mille et sept mille exemplaires. Les livres utiles du scolaire, du parascolaire et les dictionnaires se vendent nettement plus fort. Le livre religieux bat des records. Se vendent alors les livres utiles (qui ont une mission) et les livres religieux qui ont une fonction sociale (de reproduction et de légitimation des rapports sociaux). Mais tout le secret du succès du livre religieux est là : on le met chez soi comme identifiant culturel, on l’achète pour les bibliothèques des mosquées, on l’achète aussi pour «savoir» parler des questions relatives à la licéité des pratiques quotidiennes du commerce et des affaires.

Du coup, la fonction sociale du livre religieux englobe une utilité sociale. Cette fonction sociale ouvre un marché, c’est-à-dire un lectorat potentiel, ce qu’ont bien compris ces acheteurs qui sortent avec des centaines d’exemplaires du Salon du livre pour les revendre dans toutes ces régions ou petits coins d’Algérie ou même des grandes villes où n’existent pas de librairies. Il s’agit, en fait, de libraires ambulants comblant le manque de librairies qui n’ouvriront pas de toutes les façons, compte tenu de la législation actuelle du commerce.

Pour les livres autres que les livres religieux ou utiles, il n’existe pas de marché. Pas même celui des bibliothèques communales, de quartier, de collège ou de lycée qui auraient pu garantir aux bons romans ou poèmes, aux essais de partir avec la chance d’une commande minimum de 3000 à 4000 exemplaires (faites vos comptes avec 1400 communes et toutes les écoles, collèges, lycées, maisons de jeunes et de la culture) tout en tissant la trame nécessaire au travail d’incitation à la lecture que doit entreprendre l’Etat à travers ses institutions culturelles, des programmes négociés avec les associations.

MOHAMED BOUHAMIDI

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