Faux débats et vraie crise
Finalement, Ouyahia est bien là où il est : minoritaire dans la majorité. De là, il voit mieux les agissements de lobbies et la prise en charge complice de leurs intérêts.
Dommage que ces révoltes, qui surviennent de l’intérieur du système, et qui peuvent être électoralement opportunes, arrivent toujours un peu tard. Les lois qu’on bafoue, les coteries qu’on sert, en effet, ce n’est pas nouveau.
Prenons un exemple : la loi portant concorde civile. Arrivée à forclusion en janvier 2000, elle a continué à protéger les terroristes jusqu’au vote de “la Charte pour la paix et la réconciliation nationale” qui elle-même connaît actuellement la même immortalité. Avant même qu’elle ne soit officiellement abrogée, l’obligation d’accepter les paiements par chèque n’a pas été appliquée, y compris par les services des impôts.
Prenons un autre, plus récent : la loi sur les marchés publics ne semble pas être respectée dans le cas du projet de la Grande-Mosquée d’Alger.
La mafia du sable, elle, semble particulièrement introduite, puisqu’il s’agit, en fait, d’un second report de la mise en œuvre d’une mesure suspendue une première fois dès sa promulgation.
Ouyahia dit qu’il n’y a pas que l’affaire Khalifa à l’origine de “sa” circulaire, il y aurait eu d’autres déviances, on se souvient, par exemple, que le montage financier, qui a permis le lancement d’Orascom, a fait polémique.
Les interrogations peuvent aujourd’hui porter sur le pourquoi de la dissolution de l’instance de gestion des capitaux marchands de l’État, sur la politisation de la gestion de Sonatrach, sur la question de savoir pourquoi des mois après le décès du directeur général, Air Algérie serait-elle encore sans pilote.
En somme, les déclarations d’Ouyahia définissent un aspect du régime auquel, en tant que chef du parti de l’alliance gouvernementale, il appartient. Et ce n’est pas parce qu’il n’est plus chef de l’Exécutif en exercice qu’il est exonéré de la responsabilité des abus du gouvernement. Il ne devrait pas seulement “respecter” les décisions de l’Exécutif ; il est dans l’obligation politique de les assumer.
Ces empoignades conjoncturelles, où chacun invoque “l’intérêt général”, ne concernent que le système. Leur fonction est de rapatrier le débat dans le sérail. Même si l’opinion est, à l’occasion, prise à témoin, ne s’expriment que ceux qui remplissent la condition d’être partie prenante du pouvoir.
Par naïveté ou par franchise, Habib Chawki l’a rappelé : pour prétendre s’exprimer dans les mass media, il faut d’abord être de la famille. C’est peut-être pour l’intérêt général que la Radio et la Télévision ne sont ouvertes qu’au porte-parole du FLN, du Hamas et du RND !
Il n’y a que le romantisme du FFS, toujours candidat à l’impossible, pour évoquer un débat télévisé entre un parti d’opposition et un ministre. Ces querelles de bureau sont récurrentes : entre Belkhadem et Zerhouni au sujet du traitement de la question des dossiers de candidatures rejetés par l’administration, entre Belaïz et Zerhouni au sujet de la position de Hattab, etc.
Elles renseignent plus sur la déliquescence chronique des institutions et sur la primauté des préséances personnelles, partisanes ou claniques. Elles ne traitent pas de la véritable crise, une crise d’État ; elles l’expriment.
Mustapha Hammouche