Les assassins du rêve (2 et fin)
A la fin du discours du président sur la crise de la jeunesse (le mot crise est de lui), une amie a réagi : «Il n’y a pas dans son discours la conviction qu’il a mise dans sa défense des terroristes et des avantages qu’il leur a donnés. J’ai l’impression qu’il a expédié une corvée.»
Ce manque de conviction dans son discours pèsera plus lourd dans la réception de son vrai message que tous les mots qu’il a prononcés. D’autant plus lourds qu’ils corroborent un autre message celui des réalités lourdes.
Quand Ould Abbès, ministre éminent de la République, et Belkhadem, coordinateur du gouvernement, en dépit du texte de la Constitution affirment, et cela passe quasiment en boucle dans les JT, qu’ils ont créé des centaines de milliers d’emplois en occupant des jeunes à 2000 ou 6000 DA mois que leur disent-ils ? «Voilà votre prix.
Voilà ce que vous valez ! Un emploi précaire payé à un salaire de misère. » Et le pouvoir a répété triomphalement ce message des mois durant, manipulant le sens des mots et la réalité des chiffres. «Voilà la seule ambition que vous méritez !» 2000 DA par mois et le bâillon.
Au même moment ou presque, au tribunal de Blida, un haut responsable peut dire qu’il assume le faux et l’usage du faux et sortir libre, un ministre peut dire qu’il n’a pas été assez intelligent et rester au pouvoir. Au même moment, on juge des lampistes à Blida et on efface jusqu’à la trace des barons du pouvoir dont les noms se murmurent à propos de cette affaire Khalifa et de toutes les autres et vous savez combien elles sont nombreuses !
Quel sentiment peut naître et se confirmer avec de telles attitudes ? Que le pouvoir nous dise qu’il a privatisé l’Etat et le pays. Ce métalangage a agi avec puissance pour nous faire à tous ce que nous valions pour le pouvoir ! Rien ! Sauf si nous portons des armes pour le déranger dans la tranquillité du pillage.
Même en faisant l’effort de vouloir acheter la jeunesse, il avoue ce prix dérisoire à laquelle il l’estime. Les jeunes qui applaudissent le pouvoir par conviction ou par intérêt continueront à le faire. Les autres, après ce discours, auront eu la preuve verbale de la vérité de leur désespoir. Et le pouvoir ne changera pas d’un iota sa ligne de conduite. Il va proposer de l’argent dont une bonne partie ira dans la corruption. De l’argent mais pas de projet national, pas de rêve.
Cette même amie disait : «Ils ont l’argent, pas l’amour du pays qui fait l’amour de la jeunesse.» Et de raconter qu’elle a vu dans un documentaire réalisé sur Cuba par une chaîne européenne ce truc miracle : dans une grande salle ressemblant à un hangar, un vieux monsieur joue des airs de musique classique et au milieu des petites Cubaines apprenant la danse classique avec leur professeur.
MOHAMED BOUHAMIDI